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Peut-on se passer des éditeurs de livres ?

Publié le lundi 24 novembre 2014 . 3 min. 23

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Les anglo-saxons n’ont qu’un mot, « publisher », pour qualifier l’éditeur qui sélectionne et accompagne la réalisation d’un ouvrage et celui qui publie, donc distribue et commercialise. C'est peut-être dans ce trou noir sémantique que les transformations stratégiques dans l'industrie du livre gagneraient à être aussi diagnostiquées.

 

Dès 2011, l’association américaine des « publishers » indépendants affirmait que plus de 200 millions d’américains rêvaient d’écrire leur livre. Nul doute que le succès d'un « fifty shades of grey », manuscrit initialement auto-publié, a dû susciter chez beaucoup l'espoir d'être candidat à un futur "nouvelle star" de l'édition. Certains l'ont bien compris.

 

Une véritable industrie d’auto-édition et d’auto-publication, est ainsi en plein boom depuis quelques années, depuis la fortune des tablettes et liseuses. Les Ibooks Author d’Apple, Kindle Direct Publishing d’Amazon, Kobo Writing Life sont ainsi venus grossir les rangs des plateformes d'auto-publication type Lulu ou Smashwords. Avec un modèle identique : proposer aux auteurs de se passer d'éditeurs pour publier leurs oeuvres, en leur promettant de percevoir un pourcentage de 50 voire 70 % et même parfois 90% des recettes de leurs ouvrages.

 

Longtemps les éditeurs traditionnels ont jugé le phénomène marginal. Non sans raison, il faisaient valoir qu'un public disposé à payer pour consommer, ça ne se trouve pas par magie. Et que là est précisément le sens de leur métier et la valeur de leur marque, fondée sur la qualité du travail éditorial de sélection et d'édition mais aussi de protection et de diffusion des oeuvres des auteurs.

 

Il serait pourtant temps qu'ils commencent à se bouger un peu, comme on dit.

 

D'abord, parce que, alors que les négociations étaient au point mort avec Hachette, la proposition d'Amazon aux auteurs de la maison de commercialiser directement leurs œuvres - avec promesses de revenus maximum - une fois l’éditeur court-circuité, annonce que le changement de portrait de phase pourrait ne plus être très loin, pour reprendre un concept de théorie des catastrophes.

 

Ensuite parce que, non sans raison, la relation de confiance entre auteur et éditeurs est de plus en plus chahutée : l'inertie et la stricte posture défensive éditeurs face aux transformations numériques suscite l'inquiétude des auteurs qui savent qu'avant les grandes maisons, ce sont d'abord les droits des artistes qui ont le plus souffert du téléchargement illégal dans l'industrie de la musique.

 

Enfin, parce que les auteurs sont désormais tels des enfants dont on se disputerait la garde : leurs parents actuels leur promettent le confort rigide des règles de la maison. Eux, sont tentés de céder aux sirènes de la rue.

 

Aux éditeurs dans ce contexte de réfléchir à la manière de reconcevoir leur métier d'agents d'artistes. Ou, un jour ou l'autre, l'avenir pourrait bien s'écrire sans eux.


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