La préférence française pour le travail moins qualifié
Publié le mercredi 5 mars 2014 . 3 min. 50
Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
Une politique industrielle a pour vocation de bâtir la croissance et l'emploi sur un élargissement de la base productive, une extension des parts de marchés, la création de revenus qui irrigueront la demande et l'emploi à terme. C'était toute la philosophie du changement de cap annoncé par le président de la république lors de sa conférence de presse de janvier.
Face à cela, la politique de l'emploi reste accrochée à un credo trompeur : accroître le contenu en emploi de la croissance, comme si la croissance était quelque chose de donné, sur lequel le politique n'a pas prise. Un objectif dont on pressent les limites lorsqu'on inverse la proposition : diminuer le contenu en valeur ajoutée de l'emploi. Une préférence pour l'emploi peu qualifié qui trouve sa principale traduction dans ce que l'on appelle la barêmisation des cotisations sociales, c'est-à-dire leur diminution entre le smic et 1,6 smic dans le cadre des allègements Fillon, entre le 1 smic et 2.5 smic dans le cadre du CICE.
Et l'histoire se répète. Le CICE sera très probablement reconduit marquant à nouveau cette préférence pour le travail peu qualifié des partenaires sociaux et de l'exécutif. Derrière cet arbitrage, il y a des obstacles techniques. Cette éternelle difficulté à détricoter notre usine à gaz fiscale. Mais il y a surtout un véritable torpillage de la politique industrielle. Maintenir la grosse niche sur l'IS que constitue le CICE, interdit toute baisse significative son taux légal ensuite, tant pis pour l'attractivité et le réinvestissement des profits dégagés à l'étranger. C'est maintenir le surcoût des prestations intellectuelles qui sont à l'origine de la montée en gamme des produits, de nos performances à l'exportation comme le souligne à très juste titre Denis Ferrand dans une récente étude de Rexecode.
Complice de ce torpillage, il y a le MEDEF, rallié à l'instrument maintenant que les entreprises aperçoivent le chèque du CICE.
Il y a Bercy, qui depuis des années multiplie les variantes sur l'avantage des baisses de charge concentrées sur les bas salaires, sur la base de maquettes théoriques ou d'exercices micro économétriques qui n'intègrent jamais les problèmes de productivité, de concurrence internationale ou d'attractivité du capital, autrement dit autant de problèmes qui fragilisent l'économie aujourd'hui.
Complice de cela des économistes de renom, des Pierre Cahuc, des Francis Kramarz, spécialistes des questions du travail et qui comme Bercy, à force d'aborder l'économie au microscope de leur spécialité, délaissent totalement les enjeux d'une économie ouverte.
Complice encore de cela, le ministère de l'emploi, qui a raté de peu sa cible d'inversion de courbe du chômage pour avoir mal utilisé les leviers qui étaient à sa disposition, qui n'a pas su activer l'emploi aidé en délaissant le champ essentiel de l'alternance ou en pénalisant les services à la personne, et qui au lieu d'y remédier fait aujourd'hui un hold-hup sur la politique industrielle. Un premier échec que le ministère double maintenant d'un second.
Symptomatique encore du brouillage des objectifs, c'est au haut conseil du financement de la protection sociale qu'est revenu l'évaluation de la politique de baisse des charges. Aucune référence bien entendu à la balance des paiements, à la productivité ou à l'investissement direct dans ses évaluations
Une alliance du pire, impavide face à l'érosion lente et sure de nos parts de marché et de notre potentiel de croissance.
Olivier Passet, La préférence française pour le travail moins qualifié, une vidéo Xerfi Canal
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Emploi, salaires, travail
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