Dans le crowdfunding, un entrepreneur s’adresse à la foule via une plateforme pour financer son projet. Il soumet à la validation de la foule sa vision du marché et la capacité du projet à se développer. La foule, par ses choix et par ses commentaires postés sur le net, valide ou non le projet.

La foule opère donc une véritable sélection des projets, ce qui constitue une fonction nouvelle jusqu’alors réservée à des spécialistes du financement de projets par exemple des business angels. La foule est plus nombreuse, plus hétérogène. Sa diversité offre une grande variété d’opinions et d’idées, c’est ce qui fait son intérêt, dans une logique de crowdsourcing. C’est ce que défend Surowiecki dans son ouvrage La Sagesse des foules.

Son comportement peut cependant présenter des risques. Le plus saillant est sans doute celui lié au mimétisme. Les individus prennent très souvent des décisions à partir de l’observation de ce que font les autres individus, plutôt qu’en suivant leur propre information. Dans le crowdfunding, ce risque est très présent, par la diffusion de l’information exclusivement sur Internet, la rapidité de son analyse, la viralité des réseaux sociaux.

De plus, la décision de la foule est prise relativement vite (une campagne de crowdfunding dure quelques semaines), à partir de données peu détaillées et d’interactions avec le porteur de projet beaucoup moins approfondies que celles qui existent dans le cadre d’une relation entre professionnels. Le crowdfunding implique ainsi une manière différente de traiter l’information. Par exemple, Mollick et Nanda observent que la foule, comparée aux experts, est beaucoup plus sensible aux aspects immédiatement perceptibles : des images, des vidéos, des actualisations fréquentes.

La sélection d’un projet ne découle plus seulement d’un examen approfondi mais serait plus fortement dépendante d’une perception. L’affect joue alors un rôle essentiel. L’affect est un processus à la fois holistique et rapide, les jugements se forment sous l’impact d’une impression globale immédiatement disponible, au lieu d’un découpage et d’une classification des données selon des liens de causalité dans le processus analytique. Il a été montré notamment que, sous la pression du temps, l’affect joue un rôle plus important.

Pourtant, selon Jeff Howe journaliste spécialiste du crowdsourcing : « La foule a toujours raison ». L’hétérogénéité de la foule lui permet globalement d’émettre des jugements qui sont le reflet d’une large opinion. Les idées apportées par la foule constituent une ressource susceptible d’améliorer la conception des projets. Mais ces apports supposent la diversité de la foule et l’indépendance de ses membres, faute de quoi le mimétisme et l’irrationalité peuvent l’emporter. Le rôle de la plateforme apparaît alors déterminant, puisqu’elle organise la participation de la foule, la diffusion de l’information et les interactions entre les membres.

SUROWIECKI James : « La sagesse des foules », JC Lattès, 2008.

MOLLICK Ethan et NANDA Ramana : « Wisdom or madness? Comparing crowds with expert evaluation in funding the arts », Management Science, 2015, vol. 62, no 6, p. 1533-1553. Working paper disponible sur SSRN :http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.2443114

HOWE Jeff : « The rise of crowdsourcing », Wired Magazine, 2006, vol. 14, no 6, p. 1-4.