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L’arbitrage international expliqué à ma grand-mère

Publié le jeudi 24 mai 2018 . 6 min. 24

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Ma grand-mère était une femme fantastique : née en 1914, elle a connu les 2 guerres mondiales, presque tous les continents, la douceur de l’Orient d’avant, le boom des années 1960, et j’en passe et des meilleurs. Curieuse de tout, il fallait qu’elle comprenne en quoi consistait mon métier dans l’arbitrage international : « Mais, si ce n’est pas être un homme habillé en noir qui court sur un terrain de foot, c’est quoi, exactement, être arbitre ? ». Même quand j’en parle à des hommes d’affaires, j’entends encore: « c’est un peu comme la médiation, non ? ». Pas totalement faux, mais ce n’est pas vraiment ça non plus.

 

Pour bien comprendre, prenons l’exemple d’un entrepreneur américain qui veut investir des millions, voire des centaines de millions, dans une start-up sud-coréenne spécialisée dans les nanotechnologies ou les cellules-souches. Certes, les deux parties vont prévoir des garanties contractuelles pour sécuriser l’investissement, le savoir-faire technique, le paiement et la livraison. Mais, si malgré un contrat « béton », ça se passe mal,  que faire pour régler le litige ? A tort ou à raison, ni l’entreprise de l’Oncle Sam, ni celle du pays du matin calme, ne feront confiance aux juges de l’autre. Et c’est encore plus vrai lorsque, en face, il y a la puissance publique : difficile de se soumettre en effet aux juges de cet Etat contractant. Dès lors, la clause arbitrale devient la solution la plus adéquate.


Les parties de nationalités différentes l’insèrent à la fin du contrat (on la trouve aussi parfois à la fin d’un traité), pour prévoir un forum privé, neutre et compétent, capable, une fois le litige né, de le régler efficacement, sereinement et selon un cadre procédural où personne ne se sentira vraiment « étranger ». Et s’il y a litige, Elles choisissent une personne privée tierce, et non un juge étatique, pour régler leur litige, selon des critères de nationalité, d’expertise, de disponibilité... Si elles n’arrivent pas à s’entendre et que la clause a prévu un centre d'arbitrage, comme la Chambre de Commerce Internationale (CCI), c’est le centre qui procèdera à la désignation du tribunal arbitral. Contrairement à la justice étatique, presque tout peut être contractualisé ici : le nombre et le type d’arbitres, le lieu de l’arbitrage, les délais et les règles de procédure, et même la langue arbitrale. C’est ce que l’on appelle l’autonomie de l’arbitrage.

 

L’arbitrage est donc un Mode Alternatif de glement des Conflits ou MARC. Mais, contrairement à la médiation, un autre MARC, l’objectif n’est pas ici d’aboutir à une transaction : la justice arbitrale reste un procès. Avec son sabre juridictionnel, l’arbitre va en effet trancher le litige et sa décision sera obligatoire. Sa sentence a surtout la même autorité qu’un jugement, et ce, grâce à un des traités les plus puissants dans le monde – la Convention de New York – qui permet de faire exécuter une sentence arbitrale dans près de 160 pays. 

 

C’est ainsi que l’arbitrage a connu un véritable boom ces dernières décennies, après 1945 et notamment depuis la fin des années 1980, lorsque la planète est entrée dans une nouvelle ère de mondialisation. On trouve désormais de l’arbitrage dans tous les secteurs : de la construction au cinéma, en passant par l’hôtellerie, le pétrole ou la pharmacie, sans parler de la liste interminable des compagnies célèbres qui y recourent : Uber, L’Oréal, Airbus, Starbucks, La Durée... La CCI, la Mecque des centres d'arbitrage et qui se trouve avoir son siège à Paris, administre environ 1000 nouveaux dossiers chaque année, ce qui représente plus de 30 milliards de dollars de litiges en 2017. L’activité se développe également dans les pays émergents : en Afrique – à Casablanca, Kigali, Le Caire ou Maurice –  ainsi qu’en Asie avec notamment le Centre de HK ou encore de Singapore dont le taux de croissance en nombre d’affaires atteint désormais 30 % par an … Enfin, il ne faut pas oublier l’AAA aux EU et ses 1000 cas par an… Bref, le marché de l’arbitrage se régionalise et se développe fortement.

 

Pour récapituler, les avantages de l’arbitrage sont les suivants : un cadre juridique, international, sûr et prévisible ; le choix de l’arbitre qui juge et tranche, un cadre procédural souple que les parties peuvent dessiner elles-mêmes et une relative rapidité, confidentialité et efficacité de la procédure.

 

Mais, il faut bien l’avouer, l’arbitrage n’est pas une justice idéale. Rançon de son succès, il est parfois sous le feu de vives critiques notamment dans les litiges d’investissements : il est souvent perçu comme une justice trop chère puisqu’il faut payer les arbitres et le centre qui administre la procédure. On lui reproche aussi des délais qui se prolongent, trop de paperasse et d’opacité, des arbitres parfois trop partiaux, et un clair manque de diversité, notamment à l’égard des continents émergents. Mais ce sont des défis auxquels la communauté arbitrale semble déjà répondre. Pour preuve, l’essentiel des principaux centres d'arbitrage internationaux, de New York à Londres en passant par Stockholm et Hong Kong sont aujourd'hui dirigés par des femmes, avec aussi un réel souci de transparence.

 

A ceux qui le critiquent, on peut donc répondre que l’arbitrage, c’est un peu comme la démocratie, parfois le pire des systèmes… à l’exception de tous les autres ! En tout cas, on n’a pas trouvé mieux pour accompagner le commerce international et pour garantir les investissements étrangers. Et puis, l’arbitre est un formidable pacificateur, ce qui n’est pas négligeable à notre époque de tension, de repli et de protectionnisme.



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