On entend beaucoup parler de la régulation bancaire mais on en sait assez peu sur la manière dont elle est vécue dans les établissements. C’est pourquoi Xerfi Canal a reçu Martine Samuelian, avocat associé en charge du département institutions et services financiers au cabinet JeantetAssociés.
Faire de l’Europe - je cite - « un espace plus propice à l’activité économique », c’est l’un des objectifs des tests de résistance des banques européennes, les fameux stress tests. C’est en tous cas ce qu’a déclaré Danièle Nouy, présidente du conseil de supervision au sein de la Banque centrale européenne. N’est-ce pas là un objectif louable ?
Oui bien sûr, les AQR (Asset Quality Review) menés par les établissements dits significatifs au cours du premier semestre 2014 vont permettre à la BCE d’analyser en profondeur les bilans de ces établissements, d’identifier les zones de risques et le cas échéant, de demander un renforcement des capitaux propres. Pour autant, n’oublions pas que cela fait 25 ans que l’on demande aux banques d’identifier et de maîtriser leurs risques. Les tests de résistance sont un des outils nécessaires mais sûrement pas suffisant. Cela étant, on doit constater que l’inflation règlementaire qu’on connait depuis 2008 et les mises en conformité qu’elle induit sont coûteuses et risquent de freiner la capacité des banques à innover et à financer l’économie.
Mais pourquoi ? Est-ce une question de moyens humains à déployer pour s’occuper des contrôles ?
C’est n’est qu’une partie de l’explication. Il est exact que le coût des moyens humains et techniques pour répondre à la fois aux exigences des régulateurs locaux et supranationaux est effectivement en constante augmentation.
Le problème vient donc des normes en elles-mêmes….
En fait, il y a des réglementations dont la mise en œuvre coûte cher, comme Fatca (qui engage les banques à identifier leurs clients américains et à déclarer à l’administration américaine les comptes ouverts à leur nom), Emir (sécurisation des transactions sur les produits dérivés) ou encore Bâle III (solvabilité, fonds propres). De plus, il y a quatre grandes dérives dans la mise en œuvre de la règlementation que l’on voit très bien dans la pratique. D’abord, les acteurs du secteur, en ce compris les régulateurs se demandent rarement en cas d’évolution de la réglementation si tous les contrôles sont encore utiles, ce qui provoque une accumulation voire une redondance qui nuit à l’efficacité. Ensuite, il y a une tendance à l’automatisation et à la standardisation des contrôles qui peut être contre-productive. Bien sûr, il est difficile de tout contrôler mais le facteur humain reste essentiel pour répondre aux exigences d’efficacité et de fiabilité.
On est entré dans une phase de contrôle « aveugle » si je vous comprends bien…
Oui, alors que le contrôle doit nécessairement être qualitatif car chaque situation de risque est spécifique. Or, l’une des dérives, c’est justement cette tendance lourde à un contrôle quasi exclusivement quantitatif. A cette dérive s’en ajoute une dernière : une hiérarchisation des risques et donc des contrôles de moins en moins claire. Or, il n’est pas souhaitable de placer tous les risques sur le même plan. Par exemple, le dispositif de gestion de la clientèle fragile doit-il être traité dans la cartographie des risques comme un risque majeur au même niveau que le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ?
Cette inflation règlementaire n’est-elle pas néanmoins justifiée ? Je rappelle que les règles de Bâle I et Bâle II ainsi que les stress tests réalisés avant 2007 n’avaient pas permis d’éviter la crise…
Vous avez raison car la qualité des actifs et leur évaluation utilisées pour le calcul des fonds propres n’avaient pas fait, à l’époque, l’objet d’un travail en profondeur. C’est chose faite dans le cadre de Bâle III suite aux AQR. Cela étant, il ne faut pas oublier que le paysage bancaire s’est assaini depuis. En Europe, 40 banques ont disparu, 500 aux Etats-Unis. Au cours des derniers mois, le système a plutôt bien résisté avec les mécanismes de régulation existants et on n’a pas assisté à une quelconque contagion lors des difficultés observées comme par exemple sur le dossier BESV ou lors des crises rencontrées par exemple en Grèce. Aujourd’hui, la question cruciale est surtout de trouver un niveau de capitalisation et de coût de la maîtrise des risques qui permettent aux banques de disposer des ressources nécessaires pour participer au financement de l’économie réelle, ce qui reste essentiel dans une société économique moderne tournée vers l’innovation.
Martine Samuelian, Banques : trop de contrôle tue le contrôle, une vidéo Xerfi Canal
Publié le lundi 20 octobre 2014 . 5 min. 22
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