Longtemps malmenée par les débats écologiques et les difficultés techniques, l’industrie nucléaire française est à un tournant décisif. Après des années de doute, la relance est actée avec un programme ambitieux de six réacteurs EPR2, dont la construction doit s’échelonner jusqu’en 2044. La guerre en Ukraine a ravivé l’urgence de souveraineté énergétique, plaçant l’atome au cœur des politiques énergétiques. Mais ce renouveau s’accompagne de défis colossaux.
Un mur d’investissements vertigineux
Selon la récente étude Xerfi Les nouvelles perspectives de l’industrie nucléaire française, EDF fait face à une équation financière périlleuse. Avec un coût initial estimé à 70 milliards d’euros pour les EPR2, le montant réel pourrait s’envoler sous l’effet de l’inflation et des retards de construction. Le financement reste incertain, l’État et EDF n’ayant pas encore trouvé d’accord définitif. Entre fonds publics, investissements privés et participation des consommateurs, le modèle économique du "Nouveau Nucléaire" est encore en chantier.
Une course contre la montre technologique
Construire six réacteurs en 70 mois chacun : un défi que la filière doit relever en s’appuyant sur des gains d’expérience d’un projet à l’autre. Mais les précédents EPR1, notamment Flamanville avec 12 ans de retard et un surcoût de 15,8 milliards d’euros, laissent planer le doute. L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) craint une surestimation des effets de série, ce qui pourrait alourdir encore la facture.
Un maillage industriel sous pression
La montée en puissance des sous-traitants est essentielle pour tenir les délais. Orano, Framatome et d’autres industriels investissent massivement, mais se heurtent à deux obstacles majeurs : un manque criant de main-d’œuvre qualifiée (100 000 recrutements nécessaires d’ici 2033) et des tensions sur les approvisionnements en uranium, notamment en raison de la dépendance à la Russie.
Des start-up à la rescousse du "Nouveau Nucléaire"
Face à la domination des géants, la France tente de rattraper son retard sur les petits réacteurs modulaires (SMR) et la fusion nucléaire. L’État mise sur des start-up innovantes comme Jimmy Energy et Naarea pour développer des réacteurs de nouvelle génération. Mais ici encore, la concurrence internationale est rude, avec des acteurs comme Rolls-Royce et Westinghouse déjà en avance sur le marché.
Un pari vital pour l’avenir énergétique
La relance du nucléaire français est une nécessité stratégique et climatique. Mais entre défis financiers, tensions industrielles et guerre des talents, son succès repose sur une exécution sans faille. Tout retard ou surcoût pourrait compromettre la viabilité de la filière et remettre en cause les ambitions françaises à l’international. L’industrie nucléaire joue sa crédibilité… et l’avenir énergétique du pays.
Publié le mercredi 12 mars 2025 . 2 min. 53
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