Les Français dépensent moins. Le retournement s'est produit en mars et il n'a cessé de se renforcer depuis. Comme vous pouvez le voir sur ce premier graphique, les chiffres sont impressionnants avec des replis successifs de 0,9% en mars, de 1,4% en avril et pour finir de 0,8% en mai. Des replis successifs qui représentent une chute de plus de 3% de la consommation depuis mars. A ce rythme là, la consommation globale sera forcément en forte baisse au 2ème trimestre. Comment expliquer une telle chute ? La fin de la prime à la casse sur les achats d'automobiles oui certainement. La fin du passage de l'Ile de France à la TNT sur les dépenses d'électronique, c'est aussi vrai. Et il ne faut pas oublier l'exceptionnelle clémence de la météo sur les dépenses d'énergie. Oui, tout cela explique en partie la force du recul. Mais cela n'explique pas le recul en lui même. Voilà pourquoi nous sommes inquiets pour la suite. Quelles raisons pourraient en effet amener les ménages à dépenser plus d'ici la fin de l'année ? Et bien en réalité aucune car le pouvoir d'achat est attaqué de tous les côtés. Du coté des ressources d'abord. Les salaires progressent peu ou pas. La prochaine hausse du SMIC va certes se diffuser en partie aux autres catégories de revenus. Mais, il faut savoir raison garder. Comme le montre ce graphique une augmentation de 2% quand l'inflation est à 2% voire supérieure, cela suffit à peine à maintenir le pouvoir d'achat des salariés. Une hausse du pouvoir d'achat qui est désormais proche de zéro. Là aussi on ne voit pas à court terme ce qui pourrait fondamentalement inverser la tendance. D'abord, les revendications salariales vont venir buter sur un rapport de force déséquilibré. Je veux dire un rapport de forces totalement favorable aux employeurs. Surtout, l'inflation paraît durablement installée. Certes, depuis 2005 la France a connu plusieurs fois de brutales accélérations des prix. Comme vous le découvrez maintenant, la hausse avait flirté avec la barre des 2% de l'été 2005 à l'été 2006. Elle a même régulièrement franchi le seuil des 3% de mars à septembre 2008. Pourquoi alors être plus inquiet cette fois-ci ? Tout simplement parce que la hausse des prix a changé de nature. Les envolées précédentes s'expliquaient par la flambée du baril ou par celle des matières premières agricoles liée à de mauvaises conditions météorologiques. Bref, ils ne s'agissaient que de chocs temporaires. Surtout, leur impact était compensé par la baisse récurrente des prix des produits importés des pays émergents. Mais les temps ont changé. Les salaires flambent en Chine et dans plusieurs autres pays émergents. De même, les coûts de transports vont augmenter de façon irrémédiable. Bref, c'est la fin de la mondialisation « heureuse » qui faisait baisser les étiquettes. Les pays ateliers émergents font désormais remonter les prix. Hausse durable des prix, faibles hausses salariales, auxquelles s'ajoute la persistance d'un marché du travail délabré. La remontée du chômage en mai a balayé en un mois les améliorations de mars et avril. Et encore ces améliorations n'étaient que très partielles. Elles ne concernaient que la catégorie A, c'est-à-dire uniquement les personnes répondant à la définition la plus stricte du chômage. En élargissant aux autres catégories, c'est-à-dire aux personnes ayant exercé une activité réduite, le nombre de demandeurs d'emplois atteint en fait plus de 4,3 millions de personnes. C'est un chiffre record depuis au moins quatorze ans, quatorze ans car la refonte des modes de calculs ne permet pas de remonter plus avant. Au-delà des impacts directs sur les revenus des principaux intéressés, la crainte du chômage est également anxiogène. Je veux dire que cela modifie l'arbitrage consommation/épargne d'une grande partie de la population. Les enquêtes d'opinion ne disent pas autre chose. Enquête après enquête, les ménages jugent le moment propice pour épargner. Le solde d'opinions qui mesure l'opportunité d'épargner reste très supérieur à sa moyenne de longue période. Il est donc inutile d'espérer que les Français iront puiser dans leur épargne les ressources nécessaires pour consommer plus. Bref, la consommation, principal moteur de la croissance en France, est en train de plier. La croissance au deuxième trimestre aura donc été mauvaise et aucune raison sérieuse ne pousse à l'optimisme pour les 6 prochains mois. C'est dire que l'objectif du gouvernement des 2% de croissance en 2011 sera difficile à atteindre. En revanche, notre scénario à 1,7% prend, lui, de l'épaisseur.
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d'Alexandre Mirlicourtois
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