Qui dit creusement du trou de la « sécu » dit hausse incontrôlée des dépenses de santé. Le raccourci est partiellement vrai, car il passe sous silence le volet « recettes ». Mais c’est un fait : la France et les Français dépensent beaucoup en soins et biens médicaux. En 2023, ces dépenses ont atteint 249 milliards d’euros, soit 3 659 euros par habitant, et la tendance est à la hausse. Cette masse se répartit en quatre grands secteurs. Le premier poste, les soins hospitaliers, représente 49% de l’ensemble, soit 122 milliards d’euros, loin devant les soins ambulatoires, c’est-à-dire la médecine de ville (médecins généralistes, spécialistes, infirmiers, laboratoires de biologie médicale, transport sanitaire, etc.). Les dépenses en médicaments arrivent en troisième position, avec 491 euros en moyenne par Français, devant les dispositifs médicaux (optique, audioprothèses, masques…). Si tous les secteurs contribuent à la hausse globale, les soins hospitaliers restent les plus impactants, expliquant plus de la moitié de l’augmentation des dépenses en raison de la hausse des prix et des volumes de soins.
Différences entre public et privé
Une vision globale des dépenses masque des trajectoires très différenciées entre le secteur public et le privé. Après avoir nettement reculé en 2020 en raison des déprogrammations des soins non urgents durant la pandémie, le volume d’activité a rebondi. Toutefois, du côté de l’hôpital public, il n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant la crise de la Covid-19, restant inférieur de 5% à celui de 2019, alors qu’il le dépasse de plus de 16% dans le privé. La démographie explique en partie cette divergence. Avec la chute de la natalité, le nombre de nourrissons hospitalisés a fortement diminué : ils représentent 6% des patients du public, contre seulement 2% dans le privé. À l’inverse, l’augmentation des hospitalisations des patients de 70 ans et plus favorise le privé, où elles constituent une part importante de l’activité. Sur le plan des prix, les hausses de rémunérations issues du Ségur de la santé, la revalorisation du point d’indice et l’augmentation des coûts de fonctionnement ont conduit à une forte progression des prix dans le public, tandis qu’ils sont restés quasiment stables dans le privé.
Les postes de dépenses les plus explosifs
Certains postes de dépenses se démarquent par leur croissance rapide. L’optique médicale, par exemple, a vu ses dépenses fortement accélérer, notamment en 2023. Outre l’impact structurel lié au vieillissement de la population et à l’augmentation des troubles visuels, le dispositif « 100 % santé », introduit en 2020, a joué un rôle important. En offrant un remboursement total pour un ensemble verre et monture appelé « panier A », ce dispositif a entraîné une hausse de 30% de la consommation en valeur sur dix ans, essentiellement portée par la progression des verres, qui représentent 65% des dépenses en optique médicale. De leur côté, les audioprothèses ont également bénéficié du « 100% santé », démocratisant leur consommation et accélérant l’essor des concepts de « prix bas/accessibilité ». Ces dispositifs, promus par des groupes d’optique et des franchises spécialisées, ont vu leurs dépenses exploser de 142% sur la dernière décennie.
Le transport médical et le coût des arrêts maladie
Le transport médical est un autre poste en forte progression, dépassant désormais 6 milliards d’euros. Cette hausse s’explique par l’augmentation des besoins de prise en charge et l’évolution des modes de transport : les taxis, plus chers, sont souvent préférés aux véhicules sanitaires légers. À cela s’ajoute une dépense non comptabilisée dans la consommation de soins et de médicaments : le coût des arrêts maladie, qui devrait dépasser 17 milliards d’euros cette année, contre moins de 16 milliards en 2023 et seulement 10,4 milliards en 2015, soit une hausse de 63% en moins de dix ans.
La hausse des dépenses de santé est une tendance lourde, mais le gonflement de certains postes pose des défis majeurs pour le financement du système. Entre l’augmentation des besoins, le vieillissement de la population et des dispositifs qui encouragent la consommation, l’équation financière devient de plus en plus complexe à résoudre.
Publié le mercredi 27 novembre 2024 . 4 min. 43
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