Les inégalités sociales influencent non seulement les conditions de vie au quotidien des individus, mais déterminent aussi en partie combien de temps ils vivront. Ce constat est celui d’une étude récente réalisée par Nathalie Blanpain publiée par l’Insee. C’est un véritable fossé qui sépare en effet cadres et ouvriers. Dans les conditions de mortalité de 2020-2022, l’espérance de vie à 35 ans pour les hommes cadres dépasse de 5,3 ans celle des ouvriers. Chez les femmes, cet écart atteint 3,4 années.
La pénibilité du travail et l’accès aux soins
Les ouvriers, qu’ils soient hommes ou femmes, sont confrontés à un environnement professionnel plus risqué que les cadres, en raison notamment de la pénibilité de leurs conditions de travail et du taux plus élevé d’accidents. Autant d’éléments auxquels s’ajoutent des modes de vie différents entre les deux groupes. Pour les ouvriers, cela implique des comportements de santé plus à risque et une moindre consultation des services médicaux notamment. Selon l’auteur, l’appartenance à une catégorie sociale peut aussi être la conséquence d’un état de santé plus précaire au départ qui aura contraint un individu à arrêter ses études ou à connaître des interruptions dans sa vie professionnelle, réduisant ainsi ses chances de promotions et d’ascension sociale.
Si les cadres vivent plus vieux que les autres catégories sociales, les inactifs non-retraités ont l’espérance de vie la plus courte, notamment chez les hommes où la différence est de près de 15 ans. L’écart est deux fois moindre chez les femmes. D’un côté, l’inactivité masculine (hors retraité) est souvent liée à des problèmes de santé voire d’invalidité alors qu’elle sera davantage le fruit de la conciliation entre vie professionnelle et familiale pour les femmes.
L’effet du tabagisme
Les évolutions depuis les années 90 de l’espérance de vie entre les deux catégories sociales situées aux extrémités de la hiérarchie (hors inactifs non-retraités) révèlent une surprise : elle s’est réduite chez les hommes de 1,7 an alors qu’elle a augmenté de près d’une année chez les femmes. L’hypothèse émise par l’auteur est liée au tabagisme et aux avancées dans le traitement du cancer du poumon : le taux de décès des hommes à la suite d’un cancer a diminué. Comme les ouvriers fument plus que les cadres, ils en ont davantage profité. En revanche, le taux de décès des femmes d’un cancer du poumon a augmenté avec la progression générale du tabagisme féminin. Les ouvrières fumant plus que les cadres, elles en sont les premières victimes.
Le niveau de diplôme, bouclier contre les risques sanitaires
Autre facteur discriminant, le niveau de diplôme. Plus on est diplômé, plus on vit longtemps. Chez les hommes, l’écart est colossal : un diplômé de l’enseignement supérieur vivra en moyenne 8 ans de plus qu’un homme sans diplôme. Chez les femmes, l’écart est de 5,4 ans. Le diplôme apparaît ainsi comme un véritable bouclier contre la précarité et les risques sanitaires. Malgré des progrès, l’espérance de vie en France reste profondément marquée par les inégalités sociales. Les ouvriers et les non-diplômés continuent de vivre moins longtemps que leurs homologues cadres et diplômés. Une fracture sociale qui persiste génération après génération.
Publié le vendredi 20 septembre 2024 . 3 min. 07
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