Après l’ère de la synchronisation, place à celle de la déconnexion des politiques de taux des grandes banques centrales. Les unes redoutent le retour du risque inflationniste : la Banque centrale américaine et celle du Japon se situent de ce côté-là. Les autres s’inquiètent davantage des risques baissiers sur la croissance, à l’image de la BCE mais aussi de la Banque d’Angleterre, de celle du Canada, de la Banque Nationale Suisse et de la Banque populaire de Chine. En toile de fond, un facteur clé : les répercussions de la politique économique ultra-agressive de Donald Trump.
Des baisses de taux en 2024, mais des divergences en 2025
2024 a été marquée par suffisamment de progrès sur le front de la désinflation aux États-Unis comme en Zone euro pour ouvrir la voie aux baisses de taux. Alors, c'est vrai que la Fed et la BCE n'ont pas tout à fait suivi le même tempo, mais fin 2024, l'ampleur cumulée de leurs baisses était identique : 100 points de base.
2025 s’est en revanche ouverte sur une première divergence entre l’institution de Francfort, qui a poursuivi son cycle d’assouplissement en abaissant son taux de dépôt à 2,75%, tandis que celle de Washington a fait une pause en maintenant les siens entre 4,25% et 4,50%.
L’impact de la politique de Trump sur l’inflation américaine
En cause, deux dynamiques différentes. Aux États-Unis, les craintes portent sur l’impact du programme de Trump sur l’inflation : moins d’immigration, ce qui limite l’accès à une main-d’œuvre bon marché et entraîne une hausse des coûts salariaux ; des droits de douane dissuasifs, qui renchérissent le prix des importations et accentuent la pression sur les chaînes d’approvisionnement ; une baisse massive d’impôts qui stimule la demande au risque de surchauffer l’économie. Face à ces risques, la Fed devrait maintenir le statu quo.
Le Japon relève ses taux, l’Europe craint pour sa croissance
La Banque centrale du Japon partage ces craintes d’une pression plus forte sur les prix : l’inflation totale comme sous-jacente est nettement au-dessus de la cible de 2% et le yen a été particulièrement malmené l’année dernière avant de reprendre des couleurs. La BoJ a déjà remonté son taux à 0,5%, ce qui peut sembler peu mais représente un pic depuis près de 20 ans. La trajectoire est claire : d’ici la fin de l’année, elle vise 1%, au plus haut depuis 1995.
En Zone euro, les craintes portent plus sur les perspectives de croissance, plombées par le retour des tensions commerciales avec les États-Unis et la fragilité persistante des économies allemandes et françaises. Cela ouvre la porte à trois nouveaux assouplissements d’un quart de point, soit un taux de dépôt ramené à 2 % d’ici l’été. L’écart avec la fourchette haute des taux américains atteindra alors 250 points de base, un différentiel qui devrait se maintenir jusqu’à la fin de l’année.
Des stratégies contrastées parmi les autres banques centrales
La Banque d’Angleterre est confrontée au même type d’environnement que le Continent. Plus prudente néanmoins, la BoE s’est engagée plus tardivement à réduire la pression sur les taux, mais le tournant est pris et elle poursuivra sur sa lancée cette année. La Banque Nationale Suisse, à l’inverse, a frappé fort en janvier dernier en amputant son taux directeur de 50 points de base pour le ramener à 0,5% seulement, et n’exclut pas un retour vers les taux négatifs.
Comme la BoE, la Banque centrale du Canada est partie plus tard et de plus haut. Le taux directeur est passé à 3%, mais le cycle d’assouplissement n’est pas terminé. La Chine, quant à elle, est au diapason. Après plusieurs années d’interventions ciblées et de mesures non conventionnelles, elle s’oriente vers une politique monétaire plus traditionnelle, privilégiant des outils plus classiques comme l’évolution d’un taux directeur. Elle a ainsi abaissé son principal taux directeur de 1,7% à 1,5% en septembre dernier.
C’est un tournant majeur : après l’alignement des dernières années, la divergence est désormais actée dans la conduite des politiques monétaires.
Publié le vendredi 14 février 2025 . 4 min. 04
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