Il manque 1 million de logements en France : c’est faux

Xerfi Canal TV présente l'analyse d'Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi

C’est indiscutable, il manquerait 1 million de logements en France. Ce chiffre a l’avantage d’être rond, magique, facilement mémorisable donc repris en boucle. Tout comme un autre qui lui est lié, celui des 500 000 logements à faire impérativement sortir de terre chaque année pour répondre à la demande et éponger ce déficit. C’est d’ailleurs la feuille de route de tous les ministres en charge du dossier depuis dix ans et qui, avec une belle régularité, ont d’ailleurs tous échoué de droite comme de gauche : entre 2005 et 2015, la cible n’a jamais été atteinte.

Il y a bien eu un pic des mises en chantier au milieu des années 2000, avec un sommet à 494 000 en 2006, mais le constat est là : avec une moyenne de 409 000 mises en chantier, le compte n’y est pas et le déficit c’est creusé. C’est d’ailleurs bien pourquoi les prix de l’immobilier sont si élevés en France il faut donc construire plus. CQFD. Il y a pourtant quelque chose qui cloche. S’il y a un déficit de logements, le taux de vacance devrait diminuer. Or à 8% en moyenne en 2014 en France métropolitaine (et rien n’indique que la tendance se soit inversée en 2015), jamais il n’a été aussi élevé depuis 25 ans. Un simple calcul : entre 2004 et 2014, la France dispose de 396 000 logements vacants supplémentaires, c’est près d’une année pleine de construction. Au total plus de 2,7 millions de logements sont vacants en France.

1er hypothèse, c’est un problème géographique, les logements vides se concentrent dans les zones où la demande fait défaut. C’est clair, le taux de vacance n’est pas égal partout. Dans le Centre et dans l’Est il est particulièrement élevé avec un pic en Creuse et dans l’Allier à plus de 13%. Mais excepté en Corse où il est inférieur à 4%, la part de logement vacant ne descend pas en dessous de 5%. En Ile de France, par exemple il est en moyenne de 6,1% et même de 7,5% à Paris. A moins de supposer que tous ces logements vides sont tous vétustes et inhabitables, difficile de croire que nous sommes sur un marché de pénurie ! Seconde hypothèse, les occupants se serrent de plus en plus.

En effet, s’il manque autant de logements, la taille moyenne des ménages doit mécaniquement augmenter. Or la baisse du nombre de personnes par ménage, c’est-à-dire d’habitants dans une même résidence principale se poursuit même si elle s’est ralentie au début des années 90. Alors d’où vient ce chiffre d’un déficit national d’un million de logements. D’une erreur d’interprétation d’un chiffre fourni par la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement qui estime depuis 2006 entre 800 000 et 1 million le nombre de personnes aux portes du logement. Un chiffre qui dans le rapport de janvier dernier est la somme des 141 500 personnes sans domicile, des 25 000 résidents dans des chambres d’hôtels, des 85 00 vivant dans des conditions atypiques et des 643 000 personnes contraintes à un hébergement chez un tiers. Ce chiffre ne signifie pas qu’il manque 1 million de logements mais qu’un million de personnes n’ont pas les moyens d’accéder à un logement et faire sortir de terre 500 000 nouveaux logements par an n’y changera rien !

Alexandre Mirlicourtois, Il manque 1 million de logements en France : c’est faux, une vidéo Xerfi Canal TV