L’Allemagne a mangé son pain blanc
Publié le lundi 25 novembre 2013 . 3 min. 57
Xerfi Canal présente l'analyse d'Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi
Non, tout n'est pas parfait Outre-Rhin. La copie est pourtant presque sans faute. Seul grand pays européen à accumuler des excédents courants, l'Allemagne va battre un nouveau record cette année à plus de 190 milliards d'euros. Seul grand pays européen à enchaîner les années de croissance, l'Allemagne a réussi à rattraper puis dépasser son pic d'activité d'avant la grande récession. Et, sans surprise, les prévisions de croissance pour 2014-2015 sont optimistes, au-dessus de la moyenne européenne. Quant au taux de chômage, à 5,2% en septembre, c'est l'un des plus bas d'Europe (seule l'Autriche fait mieux) et il est à son plancher historique. Un exemple à suivre donc pour ses voisins. Sauf que? comme tout modèle économique extraverti, le succès allemand passe d'abord par celui de ses exports. Il dépend donc de l'état de santé du commerce mondial. Or, très dynamiques jusqu'en 2008, les échanges internationaux stagnent depuis plusieurs trimestres maintenant. Et il s'agit bien d'un changement de cap radical. Mais ce n'est pas tout. Cet affaiblissement structurel du commerce international s'accompagne d'une concurrence plus rude avec les autres producteurs des pays développés. Ceux venus du grand large, Japonais et Américains en tête : des producteurs souvent en compétition sur les mêmes marchés extérieurs que les Allemands. Et ce retour sur le devant de la scène est facilité par des politiques de change très agressives : entre octobre 2012 et octobre 2013, l'euro a gagné 5% par rapport au dollar et plus de 29% face au yen. A cela s'ajoute pour les Américains, les choix radicaux en matière d'énergies non-conventionnelles (comme les gaz de schiste) pour abaisser leurs coûts de production. Japonais et Américains, d'un côté, mais aussi Espagnols, de l'autre, maintenant qu'ils ont regagné en compétitivité. Et la concurrence est d'autant plus pesante, que les Allemands sont sur le point de perdre un atout maître : au fil du temps, les coûts salariaux des PECO, dans lesquels l'Allemagne sous-traite une large part de sa production, convergent vers les standards européens. De quoi faire chanceler l'économie de bazar, l'un des piliers de la compétitivité allemande. Mais l'Allemagne n'est pas uniquement en prise avec des problèmes externes. Ses points faibles sont aussi internes. Après des années de vaches maigres, les salariés allemands sont devenus plus revendicatifs sous l'effet des bons résultats de leurs entreprises. Et les salaires réels augmentent désormais plus vite que la productivité du travail. Conséquence ? La profitabilité des entreprises se dégrade. Impossible de passer sous silence, non plus, le problème latent de sa démographie. Avec un taux de fécondité de 1,36 enfant par femme, parmi les plus faibles d'Europe, les Allemands ne renouvellent pas leurs générations. Alors bien sûr, l'Allemagne profite de sa position dominante en Europe pour mener une politique d'immigration agressive pour pallier son déficit d'actifs. Mais attention, pour beaucoup de nouveaux arrivants, l'immigration est vécue comme un exil. Autrement dit, le balancier pourrait très vite repartir de l'autre côté. Et fait nouveau, les prix de l'immobilier flambent : depuis 2010, les prix des appartements à Berlin, Munich, Hambourg, Cologne, Francfort, Stuttgart et Düsseldorf ont augmenté de 25% en moyenne, si bien que la Bundesbank estime maintenant à 20% la surévaluation des prix des logements dans les grandes villes. Or, la modération salariale, second pilier de la compétitivité allemande, a été possible grâce à un coût très bas du logement. On l'aura compris, l'Allemagne a certainement fini de manger son pain blanc.
Alexandre Mirlicourtois, L'Allemagne a mangé son pain blanc, une vidéo Xerfi Canal
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