Les Français continuent de mettre un maximum d’argent de côté et ce n’est pas le climat actuel qui va les pousser à changer leur fusil d’épaule. Bien entendu, pas tous, pas au même rythme, car il existe de profondes inégalités. Les foyers les plus modestes ont très vite été contraints de puiser dans leurs économies amassées pendant les confinements pour faire face à la flambée de leurs dépenses courantes avec le retour de l’inflation. Cela n'a pas été le cas des autres, particulièrement des plus aisés, grâce notamment à la forte augmentation du rendement du patrimoine à laquelle s’est ajoutée la suppression définitive de la taxe d’habitation sur les résidences principales pour les plus hauts revenus.
Un taux d'épargne toujours élevé
Si le taux d’épargne général a reculé par rapport aux sommets atteints durant les périodes des confinements et de restrictions sanitaires, il reste nettement supérieur à son niveau d’avant pandémie. Outre le maintien d’une surépargne, le retour de la hausse des prix, son maintien à un niveau élevé, et ses conséquences sur la politique monétaire ont poussé les épargnants à changer de stratégies dans la gestion de leurs économies. Pour comprendre les mécanismes et transferts qui se sont mis en place, un détour sur les rouages des circuits de l’épargne est nécessaire. L’épargne est un résidu pour le plus grand nombre du moins, c’est la partie non consommée du revenu disponible brut, c’est-à-dire après paiement des impôts et cotisations sociales et le versement des prestations sociales. Augmentée de l’endettement nouveau net des remboursements, elle sert essentiellement à financer l‘achat de logements neufs et à faire des placements financiers sous forme de produits de taux (dépôts à vue, Livret A, etc.) ou de produits de fonds propres (comme les actions ou l’assurance-vie en unité de compte).
Baisse des investissements immobiliers mais hausse de l’épargne financière
Côté logements, la tendance est à la baisse. Entre des taux d’intérêt qui ont décollé de leurs planchers et se situent légèrement en dessous de 4% et des banques plus sélectives, la capacité des particuliers à investir s’est réduite. Cela se voit notamment à travers le tarissement des flux des crédits nouveaux à l’habitat tombés à leur plus bas niveau depuis le 1er confinement de 2020 et des encours qui plafonnent. Le reflux de la part de l’investissement construction dans le revenu des ménages est bien le signe que l’effort a été relâché de ce côté-là.
En face, le taux d’épargne financière s’établit près de 3,5 points au-dessus de sa moyenne de long terme. À plus de 6 000 milliards d’euros, l’encours des placements financiers des Français se situe à un niveau record. En outre, rien ne semble indiquer que l’effort va se relâcher. L’opportunité d’épargner demeure à un niveau élevé au regard des rendements servis. De surcroît, une grande période d’incertitude s’ouvre, propice à générer un surplus d’épargne de précaution.
Les stratégies d'épargne évoluent
Une double bascule s’est ensuite mise en place. D’abord entre produits de taux et produits de fonds propres. Ces derniers, plus risqués, offrent évidemment une espérance de rendement supérieure, ce qui en régime d’inflation élevée est plutôt plébiscité. C’est aussi le signe que ce sont bien les plus hauts revenus qui font l’épargne d’aujourd’hui car la propension à prendre des risques progresse avec le niveau du patrimoine. Signe de cette appétence, la forte progression et le maintien à haut niveau des flux nets de l’assurance-vie en unité de compte. Ce produit structuré constitué d’actions, d’obligations de Sicav et autres dont le capital n’est pas garanti et le rendement lié aux performances des marchés financiers profite de la faiblesse relative de la rémunération des assurances-vie en fonds euros.
La seconde bascule s’effectue à l’intérieur des produits de taux avec un mouvement des dépôts à vue vers les dépôts rémunérés. Si certains Français puisent dans leurs comptes courants, c’est certes aussi pour faire face au gonflement de leurs dépenses quotidiennes, mais les comptes à terme en ont aussi profité, et plus encore, l’épargne réglementée qui atteint des montants records. Ces placements bénéficient de taux proposés encore élevés de 3% pour le livret A et le livret de développement durable solidaire, une rémunération garantie jusqu’au 1er janvier 2025 et de 5% pour le livret d’épargne populaire.
La tendance est bien au maintien d’une épargne exceptionnelle : une épargne pour se protéger de l’inflation qui se dirige vers des produits de taux, une épargne de précaution face à un avenir incertain, bref une épargne qui n’est pas près d’être libérée.
Publié le mercredi 03 juillet 2024 . 4 min. 43
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