Faut-il considérer l’inflation comme un problème du passé maintenant que la crise énergétique est derrière nous ? Une crise commencée il y a 30 mois avec l’invasion de l’Ukraine, en février 2022. Tout s’était alors emballé. En quelques mois à peine, les prix du gaz et de l'électricité avaient été multipliés par 10, entraînant une valse des étiquettes pour les particuliers comme les entreprises. Aujourd'hui, le fioul, le gazole et le sans-plomb sont moins chers qu'à l’époque, et le prix du gaz sur les marchés internationaux est deux fois moins élevé, comme celui du mégawatt. Le soufflé est retombé, les prix à la consommation de l’énergie sont rentrés dans le rang. Comme c’étaient eux qui avaient mis le feu aux poudres, l’histoire semble terminée. La preuve : que ce soit en zone euro ou en France, l’inflation des prix est désormais proche de la cible fixée par la Banque centrale, ce qui a d’ailleurs permis à l’institution de Francfort de desserrer une première fois son étreinte sur les taux en juin dernier.
Une répétition historique des cycles inflationnistes
Pourtant, tout n’est pas gagné. L’étude sur les 20 dernières années du cycle des prix après un choc sur les matières premières révèle une même séquence en trois actes. Le premier acte est la flambée des cours des matières premières, plus particulièrement de l’énergie et de l’alimentaire, qui provoque un choc inflationniste. L’inflation générale dépasse alors l’inflation hors énergie et aliments non transformés, c’est-à-dire l’inflation sous-jacente. Ce schéma s’est répété à quatre reprises ces 20 dernières années. Chaque envolée des matières premières a ainsi tiré la hausse générale des prix au-dessus de l’inflation sous-jacente.
Le deuxième acte est celui du reflux des prix de l’énergie et de l’alimentation, qui pousse cette fois-ci l’inflation totale en dessous de l’inflation sous-jacente. Cette deuxième phase s’est également reproduite quatre fois depuis le milieu des années 2000. Mais cet effet de base est transitoire. Une fois disparu, l’inflation totale remonte au niveau de l’inflation fondamentale. Ce troisième acte se joue actuellement en zone euro et en France. L’inflation sous-jacente donne donc la bonne température de la hausse des prix, et la détermination de sa trajectoire est fondamentale pour anticiper l’inflation générale.
Une inflation des services qui persiste
Deux vents opposés s’affrontent aujourd’hui. D’un côté, il y a les forces déflationnistes qui influencent le prix des produits manufacturés, notamment en raison de la déflation liée aux produits importés de Chine. Souffrant de surcapacités de production, particulièrement dans l’acier, l’automobile et le matériel pour la transition énergétique (cellules photovoltaïques, éoliennes…), les industriels chinois baissent leurs prix. De l’autre côté, on observe la résistance des prix des services, autour de 4% en Europe comme en France, en répercussion de la hausse du coût salarial.
La question clé devient alors : est-ce que le recul de l’inflation manufacturière entraînera un ralentissement des salaires, des prix des services et de l’inflation sous-jacente ? Ou bien est-ce que le maintien à un haut niveau des hausses de prix dans les services entraînera la persistance de fortes progressions salariales et, dans leur sillage, une inflation élevée ? L’analyse à long terme montre que c’est la seconde hypothèse qui se vérifie : la hausse des prix des services détermine l’inflation sous-jacente à moyen terme, et elle reste nettement plus élevée que celle des produits manufacturés. Dans les services, ce sont les salaires qui font les prix, et le marché du travail, bien que toujours tendu, montre des signes d’apaisement. Malgré tout, la progression du coût horaire du travail ne fléchit pas réellement, ce qui signifie que l’inflation dans les services restera forte. Non, l’inflation n’est pas définitivement vaincue.
Publié le mercredi 18 septembre 2024 . 3 min. 54
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