Rideaux baissés, locaux vides, fermetures de magasins et multiplication des défaillances témoignent d’un malaise profond du commerce de détail, en particulier dans les centres-villes, et du déclin des galeries ou zones commerciales de second rang. Ces difficultés vont perdurer. C’est le sens qu’il faut donner à l’évolution du climat des affaires dans le commerce de détail, qui, depuis la crise de la Covid, n’a jamais dépassé sa moyenne de long terme. Des commerçants ne sont pas spécialement optimistes sur l’évolution de leurs ventes au cours des trois prochains mois. Baisse de fréquentation des magasins, des ventes, le tout sans réelle possibilité de rattrapage sur les prix, ou pas en proportion de la hausse des coûts (notamment avec l’inflation des loyers commerciaux), la pression est mise sur les marges.
Une détérioration des marges et des fonds de commerce
Témoin de cette détérioration de la capacité des commerces à transformer leur valeur ajoutée en bénéfice, le taux de marge a plié. Replacer cette tendance dans un temps long montre que le mal est chronique depuis le début des années 2000. Plus inquiétant encore, l’excédent brut d’exploitation ou EBE (c’est-à-dire ce qui reste du chiffre d’affaires une fois les factures, le personnel et les impôts payés) diminue aussi en valeur absolue. Cela n’est pas sans impact sur la valorisation des fonds de commerce, doublement impactée : parce que l’EBE est un élément qui participe à l’élaboration du prix de cession, et parce que fragilisés, nombre de commerçants sont contraints de mettre la clé sous la porte. Les fonds perdent instantanément de leur valeur au moment où de nombreux locaux se retrouvent sur le marché.
Incertitudes sur la reprise de la consommation
Quant au retour des consommateurs sur leurs lieux d’achat favoris en 2025, cela reste très hypothétique. Certes, une partie des Français se retrouve à la tête d’une abondante surépargne héritée de la période Covid, qui n’a pas été réduite face au choc inflationniste, ce qui aurait permis de lisser les effets de l’inflation sur la consommation. Bien au contraire, l’effort pour mettre de l’argent de côté s’est intensifié depuis la mi-2022. L’espoir est que cette réserve soit enfin mobilisée pour relancer la consommation. Moins rémunératrice avec la baisse des taux d’intérêt, l’épargne devrait logiquement, progressivement, être libérée. Mais un autre scénario est possible : poussé par les incertitudes politiques, économiques, budgétaires et fiscales, le taux d’épargne pourrait bien rester en 2025 collé à son niveau de 2024, sonnant ainsi le glas des espoirs d’une reprise générale des activités commerciales.
La disparité des situations dans le commerce
Ce panorama masque toutefois des situations très contrastées. Les ménages restent ultra-sensibles à l’inflation, notamment alimentaire. L’avantage va donc aux grandes enseignes loin des centres-bourgs, d’autant qu’elles peuvent jouer sur la péréquation des marges. Autrement dit, la marge sur certains produits est augmentée afin de compenser sa réduction sur d’autres, souvent des produits d’appel. Une fois dans le magasin ou le centre commercial, les achats débordent sur les autres rayons ou les établissements situés à proximité, surtout que les enseignes à prix cassés sont historiquement installées dans ces zones.
La seconde précision est sectorielle. Dépenses facilement arbitrables, présence d’une offre concurrente agressive, voire déloyale, sur Internet, et important marché de la seconde main sont les trois principaux éléments expliquant la plus ou moins grande intensité des difficultés des magasins physiques selon les secteurs. Il y a longtemps que l’habillement a coché toutes les cases, et la casse depuis une dizaine d’années y est spectaculaire. L’ameublement, et par extension l’équipement du logement, glisse aussi peu à peu : la part de marché du meuble captée par les pure-players du e-business progresse et un peu moins d’un tiers du mobilier entrant chez les ménages est désormais d’occasion. La santé (pharmacies, magasins d’optique, d’appareils auditifs) et la beauté (salons de coiffure et autres) sont épargnées, mais c’est certain, actuellement, il y a plus de perdants que de gagnants dans le commerce.
Publié le mercredi 23 octobre 2024 . 4 min. 32
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