Xerfi Canal présente l'analyse d'Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi
Les derniers chiffres de la croissance japonaise devraient faire réfléchir l’Europe sur son propre sort. Cela fait près de 25 ans que l’Archipel se débat dans la déflation rampante : avec une hausse des prix bloquée à seulement 0,2% l’an sur les 23 dernières années, une croissance molle (+1% en moyenne par an) un endettement public explosif passé de 65% du PIB à 225% du PIB. Or en plein ABENOMICS, thérapie de la dernière chance, le Japon vient de rechuter démontrant la difficulté de s’extraire du piège de la déflation Et en arrière-plan de cette maladie chronique une population vieillissante dont la moitié a plus de 46 ans, c’est le niveau le plus élevé au monde. C’est donc la catégorie d’âge qui épargne le plus qui gagne du terrain. Une épargne qui cherche ses rendements ailleurs, faible croissance et faible accumulation obligent, produisant un excédent structurel de la balance courante. Vieillissement, rente, déflation chronique… des mots qui font échos à la situation de la zone euro sur les 10 dernières années : avec une progression a minima du PIB de 0,8% en moyenne par an, un investissement en baisse de 0,5%, une hausse des prix de 2% mais qui a complètement disparu depuis plus d’un an, une dette publique qui flirte avec la barre des 93% et un âge médian qui est désormais de 43 ans. Et comme les excédents courants s’accumulent aussi désormais, cela donne cette impression bizarre de marcher dans les pas du Japon avec un retard de 10 ans environ. Et pour ne rien arranger, les leçons à tirer de l’expérience nipponne pour la politique économique européenne sont plutôt désespérantes. D’abord, la politique monétaire ne peut tout faire. Dès la fin des années 90, la politique monétaire japonaise devient très expansionniste : les taux tombent à zéro, et l’offre de monnaie devient pléthorique. Et la banque du Japon a de nouveau dégainé fin octobre. Mais rien n’y fait. Le crédit ne redémarre toujours pas, les effets richesses immobilier ou mobilier, comme le montre l’évolution de l’indice phare de la bourse de Tokyo, le Nikkei, ne sont pas réapparus : malgré un léger mieux son niveau est toujours inférieur de 58% à son pic historique de décembre 1989. Deuxième leçon : les efforts de correction de déficit public sont contre-productifs tant que l’économie reste convalescente. C’est ce que montrent les conséquences de la majoration de 3 points du taux de TVA au 1er avril dernier: anticipant la hausse, les ménages ont précipité leurs achats en début d’année et la consommation a progressé de 2,2% au 1er trimestre avant de s’effondrer de 5% les trois mois suivant et de mollement rebondir après. Le bilan après 9 mois est négatif. L’histoire de 1997 se répète et montre de surcroît que la TVA n’est pas l’arme indolore que l’on prétend en délation. Troisième et dernière leçon. La déformation du partage des revenus au détriment des salariés déprime la demande domestique. Cela fait maintenant des années que les salaires ne suivent pas la productivité : depuis 1990 le salaire réel mensuel a baissé une année sur deux. Ces observations de l’histoire économique du Japon conduisent à une vision négative de notre avenir ou du moins des pièges qui sont devant nous. Bref le Japon nous rappelle que l’arme anti déflation dans une région vieillissante n’a toujours pas été inventée.
Alexandre Mirlicourtois, La descente aux enfers du Japon : des leçons pour l'Europe, une vidéo Xerfi Canal
Publié le mardi 25 novembre 2014 . 3 min. 48
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