Fermeture définitive d’une vingtaine de Géant Casino faute de repreneurs après la faillite de la maison mère, plan social chez Auchan avec, là aussi, des établissements baissant définitivement leurs rideaux : ce sort sera-t-il celui de toutes les grandes surfaces qui seraient à la fin de leur cycle de vie et amenées à s’effacer progressivement de nos paysages urbains ? Elles sont pour le moins en sérieuse perte de vitesse. Au cœur de la tempête, les hypermarchés ont énormément cédé de terrain sur les 10 dernières années et ne captent plus que 36% des ventes en valeur des produits de grande consommation frais et libre-service. Les supermarchés résistent un peu mieux, mais ces deux formats, symboles de la grande distribution, ont globalement perdu 7 points de parts de marché sur la décennie, au profit du drive, de la proximité en progression constante, mais plus encore du e-commerce qui explose avec un chiffre d’affaires multiplié par près de 3 sur la période. La taille ne fait visiblement plus recette, le tout sous le même toit non plus.
Une démographie moins favorable
Il faut y voir les conséquences de l’interaction de trois forces, notamment de la démographie qui s’est retournée contre les grandes surfaces. Au-delà du tassement de la croissance de la population, qui freine la progression naturelle du nombre de consommateurs, deux tendances sont à prendre en compte :
• Le vieillissement de la population tout d’abord. Plus l’âge avance, plus l’essentiel des investissements en équipements durables (électroménager, électronique grand public, mobilier, etc.) ont été réalisés, et les besoins alimentaires diminuent. Si tous les commerces subissent ce même contexte, les grandes surfaces font face à un défi supplémentaire : leur éloignement des zones résidentielles combiné à la baisse de la mobilité d’une partie de leur clientèle. L’avantage des implantations en périphérie, grâce à des coûts fonciers faibles, ne l’est plus, ou plus autant.
• Vient s’ajouter la réduction de la taille des ménages : le nombre de foyers composés d’au moins 4 membres (typiquement les familles avec 2 enfants ou plus) diminue alors qu’ils constituent le cœur de cible des hypers et supermarchés. À l’opposé, les personnes vivant seules, pour qui les grandes surfaces ont moins d’intérêt, augmentent. Le modèle « grand placard », d’une grande famille avec des produits facilement accessibles, disparaît peu à peu.
Un niveau de vie transformant les habitudes
Deuxième force contraire, l’élévation du niveau de vie et du taux d’équipement des ménages qui l’ont accompagné : plus de 95% des foyers disposent d’un lave-linge, d’une télé ou d’un téléphone portable. Le passage du primo-équipement dans l’électroménager, l’électronique grand public puis les nouvelles technologies à une phase de renouvellement aujourd’hui réduit mécaniquement les volumes vendus.
Troisième vent contraire, le durcissement du paysage concurrentiel. Les consommateurs trouvent aujourd’hui près de chez eux, ou moins loin, des produits alimentaires au meilleur prix et, dans le non-alimentaire, de meilleures offres chez les distributeurs spécialisés (parfois installés dans la même zone commerciale que les hypers et supermarchés) avec beaucoup plus de choix et aussi de plus en plus au travers du e-commerce. Bref, la lutte pour les parts de marché s’est intensifiée. Dans l’alimentaire, par exemple, c’est la pression mise par le discount : en trois ans seulement, le nombre de discounters a progressé de 7%, tout comme leur surface de vente, et leur part de marché sur les 10 premiers mois de l’année s’approche de 14%, soit près de deux points de plus qu’en 2021. Mais c’est aussi la montée du e-commerce alimentaire. Les courses en ligne séduisent de plus en plus de consommateurs. Ce canal de distribution prend de l’ampleur. Le rayon hygiène-beauté subit, quant à lui, l’assaut de concurrents ultra-agressifs comme le néerlandais Action ou le danois Normal.
Des formats en mutation
Cela sonne-t-il le glas pour autant de la grande distribution ? Pas évident. La grande distribution se réorganise vers des formats plus petits jusque dans le cœur des villes et investit tous les canaux. Le drive qui se développe est plus un complément qu’une substitution ; il est quasiment systématiquement adossé à une grande surface. Puis, il y a l’exemple de Walmart aux États-Unis. Le groupe a fait de son parc de très grandes surfaces situées en périphérie un facteur de différentiation par rapport à Amazon en les utilisant comme showroom de présentation de produits qui peuvent ensuite être commandés en ligne et de services d’après-vente. Enfin, il ne faudrait pas oublier que la disparition des grands formats est prédite depuis des années… et qu’ils sont toujours là !
Publié le jeudi 12 décembre 2024 . 4 min. 22
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d'Alexandre Mirlicourtois
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