La hausse de 2% du SMIC au 1er novembre n’est pas à proprement parler un coup de pouce, mais une anticipation de la revalorisation automatique prévue le 1er janvier. Pour beaucoup, cela reste insuffisant. Il faut revenir sur le postulat de départ des effets en chaîne espérés d’une augmentation du salaire minimum. Cela passe évidemment par un coup de fouet au pouvoir d’achat des salariés les moins payés, ceux qui consomment la quasi-totalité de leurs revenus. Petit bémol cependant : l’expérience montre que la réduction des inégalités salariales ne s’explique pas uniquement par la progression des rémunérations des employés proches du salaire minimum, mais aussi par la pression mise par les employeurs sur les rémunérations des salariés les mieux payés, pour éviter une trop grande dérive de la masse salariale. Bref, l’écrasement de la hiérarchie des salaires fait aussi des perdants.
Un solde extérieur fragilisé par les importations
Malgré tout, le choc de la demande est positif, la consommation accélère avec des effets bénéfiques sur les entrées de TVA, l’ensemble des activités BtoC (commerçants, services aux ménages, etc.) et de leurs fournisseurs. De quoi donner un nouvel élan à la croissance, donc à l’emploi. Plus d’emplois, c’est plus de croissance. La boucle vertueuse se referme, avec de surcroît plus de cotisations sociales, d’impôts sur les sociétés et d’impôts sur le revenu, ce qui améliore au passage les finances publiques.
Le premier grain de sable se situe au niveau de l’origine des fournisseurs. Si les services consommés sont produits à 90% localement, même s'ils intègrent parfois des composants étrangers (comme un restaurant utilisant de l'agneau néo-zélandais), la situation est tout autre pour les biens manufacturés : plus de 85% des produits consommés sont importés, et le contenu en importations de la consommation est plus intense pour les bas revenus. Il faut donc s’attendre à une nouvelle détérioration du solde extérieur manufacturier, déjà dans le rouge. Or, ce déficit, il faut bien le financer. D’une manière ou d’une autre, il pèse sur les finances publiques.
Hausse du coût du travail
Deuxième écueil : le schéma présenté n’intègre pas les conséquences du choc d’offre défavorable aux entreprises, c’est l’aspect gonflement du coût du travail. Il pourrait être absorbé par un bond spectaculaire de la productivité, mais toutes les dernières enquêtes montrent au contraire une tendance à sa stagnation, voire sa dégradation en France. Les entreprises ont alors deux options : soit augmenter leurs prix, possible pour les sociétés de services dont les activités ne sont pas en concurrence frontale avec l’extérieur, mais cela freine la progression du pouvoir d’achat et réduit l’effet relance attendu de la consommation ; soit comprimer les marges. Mais c’est entrer dans une spirale dangereuse. Pas pour les grands groupes qui disposent le plus souvent de la latitude pour le faire, mais ils ont aussi le choix de la délocalisation, en particulier ceux opérant dans des secteurs à forte intensité de main-d'œuvre.
Pour les autres entreprises, deux cas de figure se présentent. Soit elles disposent de quelques degrés de liberté, mais il ne faut pas perdre de vue que les marges servent à embaucher, à investir, c’est donc l’avenir qui est en partie sacrifié. Soit il s’agit d’entreprises intervenant dans des secteurs à faibles marges et soumis à la concurrence étrangère ; dans ce cas, le risque est bien celui d’une avalanche de défaillances dans un contexte où elles sont déjà en forte progression et s’approchent de leur record historique. Une chose est certaine : quoi qu’il en soit, l’emploi en fait les frais, de quoi peser sur la croissance et les rentrées fiscales et sociales.
Les conséquences néfastes pour les finances publiques
C’est même la double peine pour les finances publiques. L’augmentation du salaire minimum fait ipso facto tomber les rémunérations situées dans sa périphérie supérieure dans la catégorie ouvrant droit aux plus fortes exonérations de cotisations sociales, compte tenu du profil dégressif de ces dernières. Il faut aussi mentionner un autre effet pervers : le maintien dans les bas salaires est renforcé par ce système d’exonération de charges qui incite les employeurs à y maintenir leur personnel, tant le surcoût à payer pour les en sortir est élevé. Les salariés au SMIC sont aujourd’hui plus de 17%, contre 12% il y a tout juste trois ans. La « smicardisation » est en train de devenir le véritable piège économique et social de la France. En prétendant protéger les plus modestes, on finit par étouffer toute perspective d’ascension salariale.
Publié le mardi 15 octobre 2024 . 4 min. 20
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