Les Français ont-ils plus de raisons de se plaindre de l’évolution de leur pouvoir d’achat que les Italiens, les Espagnols, les Grecs ou les Allemands. En d’autres termes, qui en Europe a vu ses revenus les plus augmenter ces dernières années ?
Le plus simple est de partir du revenu disponible brut ajusté des ménages, soit l’ensemble des revenus auxquels sont ajoutés les prestations sociales et les transferts sociaux en nature (remboursement de soins et de médicaments notamment) puis soustraits les impôts directs et les prélèvements sociaux. Pour s’affranchir de la composante strictement démographique des évolutions, le revenu est calculé par habitant et pris en parité de pouvoir d’achat pour éliminer les écarts de niveau général des prix entre les pays. Le choix est ensuite doublement arbitraire. Il faut sélectionner 1) un étalon et 2) la période la plus représentative possible des dernières évolutions. L’étalon, c’est Allemagne, la superpuissance économique de la zone euro. Quant à la période, elle débutera en 2011, moins pour faire le bilan des dégâts de la crise que pour prendre la mesure du tempo de reprise.
Le Portugal et l’Espagne se refont une santé
Cette séquence été très favorable à l’Allemagne avec un hausse du pouvoir d’achat par ménage de 2,3% en moyenne par an. L’activité est en effet très vite repartie de l’autre côté du Rhin après la grande crise, les créations d’emplois ont suivi et le taux de chômage est tombé à un plancher. Une configuration très favorable aux syndicats pour revendiquer les dividendes de la croissance et négocier de confortables hausses de salaires avec le patronat. Hormis les PECO, mais qui sont toujours en phase de convergence, seul le Danemark et Norvège soutiennent la comparaison parmi les pays avancés. L’Allemagne, malgré quelques ratés, fait donc bien référence en matière de pouvoir d’achat.
Suivent trois groupes de pays. Le premier est constitué des grands perdants du début de période mais qui se refont une santé : c’est le cas de l’Espagne et du Portugal. Par rapport aux Allemands, les Portugais et les Espagnols ont beaucoup perdu de 2009 à 2013 mais soutiennent désormais la comparaison. Ces deux pays ont opté pour la thérapie de chocs : redressement de l’offre via des politiques de dévaluations internes (c’est-à-dire de réduction des coûts salariaux) visant à améliorer la compétitivité coût et la profitabilité des entreprises pour reconquérir le terrain perdu à l’international. Puis un enchainement vertueux avec un desserrement budgétaire, la hausse de l’investissement, de l’emploi et in fine du revenu des ménages. Avec ces résultats depuis deux ans, le rythme de croissance du pouvoir d’achat au Portugal colle (ou presque) à celui de l’Allemagne et celui de l’Espagne évolue plus rapidement.
R.-U et France perdent pied
Deux pays constituent le deuxième groupe, ce sont les grands perdants : la Grèce et l’Italie, deux pays dont le pouvoir d’achat des habitants a fortement décroché dès le début de la récession sans aucun rattrapage par la suite. Alors que le niveau de vie d’un Italien était très proche de celui d’un Allemand jusqu’en 2008, il est près de 25% inférieur aujourd’hui. Si l’essentiel de la descente se passe durant la récession, le niveau de vie a encore cédé 10 points entre 2011 et 2019. Même tendance du côté de la Grèce, où le niveau de revenu disponible brut ajusté par tête est désormais quasiment deux fois inférieur à celui de l’Allemagne et l’écart se creuse toujours.
Vient ensuite le troisième groupe dont les figures emblématiques sont la France et le Royaume-Uni. Très proches des Allemands, le pouvoir d’achat des Français et des Britanniques ont bien résisté en début de période. Mais ils perdent pieds depuis plusieurs années maintenant, en termes relatifs je le rappelle. Bilan, le niveau de vie d’un Français est désormais inférieur de 13 points à celui d’un Allemand et malgré les nombreuses mesures de soutien prises par le gouvernement, notamment en réponse au mouvement des gilets jaunes, aucune inversion de tendance ne se sera produite l’année dernière. La situation est encore plus dégradée au Royaume-Uni. Avec un espoir pour 2020 : le coup de pouce de 6,2% donné au SMIC pour les employés de plus de 25 ans à compter du 1er avril. Et une crainte : celui d’un Brexit dur et ses conséquences sur l’économie et les revenus de ses habitants.
Il y a donc un premier groupe formé des Allemands, des Danois et des PECO dont le pouvoir d’achat progresse solidement. Un deuxième formé des Grecs et des Italiens qui ont décroché et sont toujours en perdition. C’est la grande différence avec les Espagnols et les Portugais qui après avoir beaucoup souffert remontent la pente. Il y a enfin les Britanniques et les Français dont la chute plus récente devient alarmante.
Publié le jeudi 09 janvier 2020 . 4 min. 34
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