Xerfi Canal présente l'analyse d'Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi
Le marché de l'immobilier va mal, et avec lui, la santé des agences immobilières. 10 000 emplois salariés ont été détruits (sur un total de 80 000) et 1 agence sur 10 a fermé en 2012. Il y a bien sûr le problème des prix élevés des logements, du resserrement du crédit qui fige le marché, mais aussi celui de la concurrence de plus en plus forte des réseaux mandataires. Ces réseaux mandataires, sans enseignes physiques, ni négociateurs salariés, autrement dit libérés des charges fixes, cassent les prix des commissions. Ce qui a de quoi séduire l'acquéreur qui, face aux prix élevés du logement, cherche tous les moyens pour limiter la facture. Face à cette concurrence, les agences immobilières ont de plus en plus de mal à justifier le montant de leur commission. C'est-à-dire à valoriser ce qu'elles font. D'autant plus que le niveau des frais de transaction se situe dans la fourchette haute. Les agences traditionnelles sont donc dans une phase particulièrement délicate et il suffit de regarder les créations d'entreprises dans le secteur de l'immobilier pour prendre l'ampleur du malaise. Leur nombre a tendance à croître depuis 10 ans. Mais à partir de 2009, ce sont uniquement les auto-entrepreneurs qui alimentent cette progression, portés par le nombre croissant de mandataires indépendants. Des mandataires, favorisés par le statut d'auto-entrepreneurs mais aussi par l'essor d'internet, qui a permis de mettre en relation plus facilement l'offre et la demande. Et puis les technologies ont aussi apporté plus de souplesse dans la manière de travailler. Interrogé sur Xerfi Canal au sujet de cette nouvelle concurrence, Bernard Cadeau, le président du réseau d'agences Orpi a bien souligné la dichotomie entre ces indépendants et les agences traditionnelles : « Il y a des personnes sur le marché qui se disent agents immobiliers, qui apparaissent aux yeux des clients pour des agents immobiliers mais qui ne sont ni soumis aux mêmes règles ni aux mêmes contraintes qu'eux », avait-il déclaré. Effectivement, pas besoin d'être titulaire d'une carte d'agent immobilier professionnel pour être mandataire. Mais si l'on regarde le profil de ces indépendants, on se dit qu'ils ressemblent quand même beaucoup aux agents, puisque les spécialistes du secteur représentent déjà 4 mandataires sur dix. Pour survivre face à la fuite des acquéreurs, mais aussi de leur workforce, les agences traditionnelles vont devoir relever deux défis. Le premier, c'est d'améliorer leur image car celle-ci s'est considérablement ternie au fil des abus d'un petit nombre d'opérateurs qui jettent l'opprobre sur toute une profession. On a tous en tête les fameux scandales des « marchands de liste », ces agences qui proposent aux acquéreurs de payer pour accéder à un catalogue rempli d'offres bidon. Le deuxième défi, c'est de devenir moins dépendants du marché de la transaction. Leur statut de professionnel de l'immobilier doit permettre aux agences de diversifier leurs sources de revenus, en investissant par exemple le secteur de la location par nature plus stable. Ils en ont la compétence. Ils en ont la légitimité. Alors bien sûr, elles ne pourront plus profiter des commissions parmi les plus élevées d'Europe. Mais les agences immobilières n'ont plus le choix. Pour elles, le changement c'est maintenant. C'est une question de survie.
Alexandre Mirlicourtois, Les agences immobilières déstabilisées par les mandataires, une vidéo Xerfi Canal