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Augmenter pêle-mêle salaires, retraites, allocations, tout en réduisant les impôts, en travaillant moins, en partant plus tôt à la retraite, en disposant de services publics irréprochables, en engageant les investissements nécessaires à la transition écologique : voici la politique économique que les Français souhaitent voir menée ! Le « hic », c’est qu’à aucun moment le souci de « qui » paiera la facture n’est abordé, pas plus que les contraintes auxquelles est soumise l’économie française.


Augmenter les salaires tout en réduisant le temps de travail, l’idée est excellente ! Mais cela impose une hausse importante de la productivité, sans quoi cela se transformera en inflation avec, à la clé, des pertes de pouvoir d’achat si les salaires n’augmentent pas assez vite, une dégradation de la compétitivité et du commerce extérieur, ou alors, autre branche de l’alternative, en compression sur la marge des entreprises et en bout de course une réduction de la capacité à embaucher, à investir, bref, à préparer l’avenir.


Les entreprises ont de très faibles marges de manœuvre


Il faut d’abord remarquer que la tendance de la productivité horaire hexagonale n’a cessé de décélérer au fil des décennies, jusqu’à basculer en territoire négatif depuis la crise sanitaire, sans redressement palpable à ce jour. Surtout, cette décélération est plus marquée ici qu’ailleurs. La productivité française, qui surplombait de plusieurs points celle des pays du G7, dont celle des États-Unis ou de l’Allemagne, est revenue dans le rang en l’espace de 15 ans. Et rien ne dit que le mouvement s’arrête là.
Le solde du commerce extérieur est dans le rouge, signe de la faible compétitivité du tissu productif français. La France a déjà perdu beaucoup de parts de marché vis-à-vis des pays à faible coût du travail mais aussi de ses concurrents européens. Les entreprises françaises n’ont aucune latitude pour augmenter leurs tarifs au risque de voir leurs débouchés se fermer à l’extérieur et être submergées, à l’intérieur, par une avalanche de produits importés.


Le compte d’exploitation des entreprises des branches marchandes hors finances et énergie ne montre aucune dérive du taux de marge. En d’autres termes, il n’y a pas ou peu de gras, bref de place (excepté certainement pour les plus grands groupes) pour comprimer plus les marges, au risque sinon de fragiliser plus encore le tissu productif. Déjà, les défaillances atteignent des sommets, avec plus de 63 000 procédures enregistrées sur 12 mois à fin juillet 2024, un niveau qui obligera bientôt la Banque de France à revoir l'échelle de ses graphiques !


Le mur des finances publiques


Autre revendication forte : ne pas toucher à l’âge du départ à la retraite, voire l’abaisser et augmenter les pensions. Mais c’est faire fi de l’état de santé du système de retraite. Excédentaire entre 2021 et 2023, le système de retraite sera de nouveau déficitaire dès cette année et le resterait sur l’ensemble de la période de projection réalisée par le Conseil d’Orientation des Retraites. Certes, la sensibilité des résultats des projections de retraite aux scénarios de croissance économique est un sujet d’attention comme les hypothèses démographiques, mais sans doute possible, le chemin pris n’est pas le bon. La mécanique est simple à comprendre : avec le vieillissement, la population en âge de travailler (c’est-à-dire les 20–64 ans) rapportée aux plus de 65 ans va aller en diminuant, réduisant de facto le ratio cotisants/retraités. Âge de départ à la retraite, montant des pensions, cotisations des actifs devront bien être ajustés.


Disposer de services publics d’une grande qualité mais alléger en parallèle la barque fiscale sans nuire aux finances publiques tout en accroissant les dépenses de santé, d’éducation, militaires pour répondre au contexte géopolitique sans oublier de soutenir les investissements pour répondre aux enjeux de long terme : oui, mais il y a un mur, celui des finances publiques. Le poids des prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) est à un sommet, ce qui ne va pas sans poser le consentement des contribuables, quels qu’ils soient, à payer plus, et le déficit public est hors de contrôle ou presque. Visée depuis la fin juillet par une procédure européenne pour déficit excessif, la France doit rapidement envoyer son plan de réduction du déficit public jusqu’à 2027. Le conflit entre la politique économique souhaitée par les Français et la politique économique qui serait nécessaire est très clair : nous ne sommes pas loin du déni.


Publié le vendredi 13 septembre 2024 . 4 min. 22

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