« La croissance ne peut être infinie dans un monde fini. » C’est l’argument massue des partisans de la décroissance. Croire que la technologie nous sauvera du désastre climatique est une utopie dangereuse. Nos sociétés doivent impérativement rompre avec leurs addictions consuméristes et s'orienter vers une économie plus sobre, voire une « société de décroissance ». Le statu quo n’est pas tenable. Economie et décroissance c’est d’abord un choc productif négatif. Sur le plan économique, cela signifie incorporer moins d'énergie, moins de temps machine, favoriser les circuits courts. Cela implique de détricoter les chaînes d'approvisionnement mondiales qui sous-tendent l'efficacité actuelle des processus de production. Ce choc de productivité inévitable pour réduire les impacts environnementaux, signifie produire moins de richesses, donc consommer moins, investir moins, et moins d’échanges au niveau international.
Pour les adeptes de la décroissance, c'est exactement l'effet recherché. C’est la fin d’un modèle centenaire. Depuis des siècles, la croissance est considérée comme un « gâteau » que l'on partage pour améliorer la prospérité de tous. Mais que se passe-t-il lorsque ce gâteau se réduit ? La décroissance remet en question cette logique. Si la richesse diminue, la fiscalité suit la même pente, ce qui pose des défis colossaux. Comment financer la santé, l’éducation, la sécurité, ou encore la transition vers un mix énergétique bas-carbone ?
La décroissance frappe de plein fouet la conception même du progrès, traditionnellement associée à une technologie génératrice de productivité et donc de croissance. La croyance selon laquelle la technologie permet de fabriquer des produits toujours plus performants, à des coûts toujours plus bas, est ébranlée. Avec la décroissance, l’idée même de progrès est mise en question. La promesse de consommer davantage et d'explorer de nouveaux territoires devient caduque. De plus, l'accumulation de capital, moteur du capitalisme, est sérieusement menacée.
Pourquoi investir dans un capital qui, en décroissance, ne génère plus de plus-values ? Le marché financier, bâti sur l'idée implicite d'une croissance sans fin, vacille. Les adeptes de la décroissance ne manquent pas d'arguments. Pour eux, consommer autrement et travailler moins ne signifie pas forcément moins de bien-être. Le PIB n'est plus un indicateur de bien-être, mais le reflet de dépenses contraignantes et addictives, tout en ignorant les dégradations environnementales et sociales. La décroissance cible avant tout les plus riches, ceux dont l'accumulation excessive de biens et de capital contribue massivement aux émissions de carbone. Redistribuer ces ressources pourrait financer des biens communs, même avec un PIB plus faible.
Il ne d’agit pas ici de trancher ce débat, idéologique qui redonne une vitalité au vieux clivage qui oppose tenants du marché et partisans de formes plus ou moins douces de collectivisme. Mais qu’on le veuille ou non, le PIB n’est qu’une convention. C’est au fond la somme des coûts que nos sociétés sont prêtes en engager, que ces coûts soient vertueux ou non. Et si demain il faut déclasser du capital polluant, et isoler nos bâtiments, c’est un appel d’air pour de l’investissement nouveau bas carbone donc du PIB supplémentaire ; s’il faut remplacer le parc automobile carboné, c’est une opportunité pour le secteur automobile de relancer sa production sur des biens à plus forte valeur ajoutée ; Si il faut produire et manger bio sans être soumis à la concurrence de produits de basses qualité, c’est plus de coût et plus de valeur ajoutée aussi ; S’il faut revoir nos modes de loisirs et de tourisme, c’est un appel d’air à de nouveaux substituts. S’il faut adapter nos infrastructures face à la montée des eaux, idem.
Nos sociétés se complexifient, démultiplient les astreintes et la recherche de nouvelles solutions cela s’appelle la croissance. Et quand la sphère matérielle est trop étroite, le capitalisme se déploie dans le champ du virtuel et ou de la création de valeur symbolique via les marques, le design etc. Et prétendre vaincre ce processus de complexification est un pari bien audacieux.
Publié le vendredi 04 octobre 2024 . 4 min. 35
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