Xerfi Canal présente l'analyse d'Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi
Le chômage c’est le critère de la réussite ou de l’échec d’une politique économique. Et comme disait Mark Twain : « les faits sont têtus. Il est plus facile de s’arranger avec les statistiques ». Et l’on peut en effet se demander parfois, si l’art de réduire le chômage n’est pas d’abord celui d’acclimater les conventions comptables. Pour bien comprendre, il faut revenir à la définition du chômage selon le Bureau international du travail. Un chômeur est une personne en âge de travailler qui :
1- n’a pas travaillé au cours de la semaine de référence ;
2- est disponible pour travailler dans les deux semaines ;
3- a entrepris des démarches actives de recherche le mois précédent. Autrement dit, toute personne ayant eu la moindre petite activité, sort de la statistique.
Et l’on comprend mieux alors l’appétence de nombreux pays pour favoriser le développement des mini- jobs. Limiter la disponibilité des personnes en âge de travailler c’aussi une autre stratégie gagnante. Toujours en Allemagne, les femmes doivent bien souvent choisir entre exercer une profession et être mère au foyer. L’impact est double : d’abord, une partie des jeunes mères allemandes se retirent du marché du travail, au moins temporairement. Rares, ensuite, sont celles qui reprennent une activité à 100%. C’est ce qui explique le poids du temps partiel chez les femmes allemandes qui grimpe à plus de 46% du total, contre une moyenne inférieure à 33% en Europe et 30,6% en France, soit plus de 15 points d’écart. En clair, pour un même volume horaire, il y a plus d’emplois en Allemagne qu’en France. Cela s’appelle le partage du travail et cela fait baisser mécaniquement le nombre de chômeurs outre-Rhin. 2ème cas extrême celui de la population carcérale aux États-Unis. Enfermés, les prisonniers sortent des statistiques. Or, ce sont des personnes le plus souvent en âge de travailler. Avec 716 détenus pour 100 000 habitants, les Etats-Unis affichent le taux d’incarcération le plus élevé au monde. Un taux 5 fois supérieur environ à celui du Royaume-Uni et 7 fois plus élevé qu’en France. Un rapide calcul met en évidence l’impact de ce taux sur le chômage : la France, c’est 67 000 détenus environ. Avec le taux d’incarcération américain, ce chiffre grimperait à 475 000, soit presque 410 000 de plus. De son côté, le nombre de chômeurs au sens du BIT est d’un peu plus de 3 millions de personnes pour presque 30 millions d’actifs, soit un taux de chômage de 10,2%. Une fois retraité, ce taux tombe à 9%. Autre biais bien connu des pays du Nord de l’Europe, les exclus des statistiques pour maladies ou incapacité : aux Pays-Bas, ils représentent plus du tiers des inactifs de 15 à 64 ans, devant la population scolaire et le nombre de retraités. Au Danemark, en Suède ou au Royaume-Uni, c’est une pratique bien plus courante que dans le Sud. Dernière catégorie d’exclue enfin : « les découragés ». Ceux qui, ayant abandonné tout espoir de retrouver un emploi ou une aide, ont cessé toute démarche et disparaissent des statistiques. Ainsi malgré des créations d’emplois insuffisantes pour absorber l’augmentation naturelle de la population, le taux de chômage reflue aux Etats-Unis. Tout simplement parce que le taux de participation à la population active a fondu! Ces différents exemples illustrent bien que le chômage, avant d’être regardé comme le tenant et l’aboutissant de la réussite politique, doit d’abord être vu comme une convention sociale.
Alexandre Mirlicourtois, Réduction du chômage et petits arrangements statistiques, une vidéo Xerfi Canal
Publié le lundi 20 octobre 2014 . 3 min. 31
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