Panne générale de la croissance au printemps, CAC 40 en chute libre cet été, le climat des affaires s'est brutalement dégradé. Et une chose est sûre, le comportement et les comptes des entreprises vont s'ajuster à cette nouvelle donne. C'est ce qu'on appelle le principe de réalité. Le leitmotiv de la rentrée : avoir suffisamment de cash pour passer le cap. En d'autres termes, tous les dirigeants vont être obsédés par leurs trésoreries. Et nul doute qu'ils vont actionner plusieurs leviers. Premier levier actionné : les stocks. Stocker coûte cher et mobilise du financement. Au moment où la demande fait défaut comme le montre l'évolution du solde d'opinions des industriels sur la trajectoire de leur carnet de commandes. Au moment où les cours des principales matières premières se sont retournés et dévalorisent de facto les produits mis en réserve, il va falloir vider les entrepôts. Et vite. Sur le plan macro-économique, cela signifie que la contribution des stocks à la croissance au 2ème semestre sera négative. Sur le plan sectoriel, cela veut dire que les professions en amont du cycle de production, comme la sidérurgie, auront une fin d'année assez compliquée. Second levier actionné, l'investissement. A court terme, ce sont des dépenses qui peuvent être facilement sacrifiées. Il restera bien sûr un filet de dépenses d'équipement car il faut bien remplacer les machines en panne ou obsolètes. Des dépenses de renouvellement difficiles à retarder car elles bénéficient toujours du report des projets lié à la récession de 2008-2009. Des projets qui ne peuvent maintenant plus attendre. Macro-économiquement, cela va conduire à un tassement progressif de l'investissement en équipement. Cela va aussi bloquer la partie non-résidentielle de l'investissement construction. Difficile de croire en effet que les entreprises vont accroître leur capacité de production au moment où leurs carnets de commandes se dégarnissent. Sur le segment des locaux industriels et des entrepôts par exemple, les mises en chantier stagnent à un niveau plancher. Un niveau plancher qui a déjà été divisé par deux entre début 2008 et fin 2010. Sectoriellement, une partie des entreprises du bâtiment, les industries mécaniques, celle des composants électroniques ou des équipements électriques seront confrontées à une demande en berne. Troisième levier actionné : les frais de personnel. Le gel des embauches d'abord. La remontée brutale du chômage en juillet confirme que les entreprises sont sur la défensive et que les recrutements sont reportés sine die. Mais ce n'est que la partie visible de l'iceberg. Le contrôle des frais de personnel passe et va passer, aussi et surtout, par de la modération salariale. Le message envoyé par le gouvernement est clair. C'est celui d'une hausse des coûts salariaux. Les heures supplémentaires vont devenir moins avantageuses pour les employeurs. Et il ne faut pas se tromper. Cela se verra in fine sur la fiche de paie avec à la clé moins de pouvoir d'achat. Paralysie de l'emploi, gel des salaires, la conséquence macro-économique de ces deux évolutions est celle d'une consommation en perte de vitesse. C'est vrai, les Français épargnent, beaucoup. Ils disposent donc d'une réserve de croissance importante. Mais il ne faut pas espérer les voir vider leur épargne alors que la menace du chômage se fait plus pressante et que tous anticipent un nouveau tour de vis fiscal en 2012. Sectoriellement, la distribution, les services aux ménages, l'hôtellerie, la restauration doivent tous s'attendre à une lente progression de leur activité ces prochains mois. Payer le plus tard possible ses fournisseurs et réduire au maximum les délais de paiement de ses clients, c'est LA recette des trésoriers pour faire rentrer du cash. Et on aurait tort de croire que c'est un jeu à somme nulle. En fait, pour décaisser plus tard et encaisser plus tôt, il faut disposer d'un rapport de force favorable ou d'un pouvoir de marché important. Ce qui est le cas des seules multinationales ou des grandes entreprises. Il est donc totalement défavorable aux PME ou aux ETI. Sorties exsangues de la pire récession depuis la seconde guerre mondiale, une seule année de répit, 2010, n"aura certainement pas suffi pour se reconstituer un matelas de sécurité en cas de coup dur. Macro-économiquement, cela va entraîner une recrudescence des défaillances comme le montre la progression de notre indicateur de risque depuis le printemps. Compte tenu des mécanismes d'ajustement en cours des entreprises et de l'impact psychologique de mesures restrictives, la panne va durer au moins un trimestre encore. Certes la croissance cette année sera proche de celle désormais annoncée par le gouvernement à savoir 1,7% environ. Mais ce n"est là que le reflet de l'élan pris en début d'année. C'est en 2012 que statistiquement la croissance va être plombée pour tomber à moins de 1% selon notre scénario. Moins de 1% alors même que nous anticipons une accélération progressive de l'activité en cours d'année prochaine.
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d'Alexandre Mirlicourtois
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