Vers la fin du "miracle" chinois ?

Riche avant d’être vieille, le pari de la Chine est peut-être perdu. Vieillissement oblige, le pays devrait perdre 200 millions d’habitants dans les 30 prochaines années selon un rapport de l’ONU. Après s’être affaiblie au fil du temps, la croissance de la population est en effet devenue négative en 2023 et se réduira encore, car à moins de 2,1 enfants par femme, le taux de fécondité ne suffit plus à renouveler les générations. Quant au solde migratoire, il est structurellement négatif. À ce premier facteur s’ajoute l’essoufflement des migrations internes. Malgré leur strict encadrement par les autorités, elles ont contribué ces 40 dernières années à la forte augmentation de la population urbaine. À près de 65%, le taux d’urbanisation progresse désormais plus lentement et s’approche d’un seuil qu’il sera difficile de franchir.

Les freins à la consommation et le marasme immobilier

Ces deux tendances exercent une double pression sur l’économie :

• sur le long terme, le potentiel de croissance est amoindri par la réduction progressive du nombre d’individus en âge de travailler ;
• l’épuisement des effets de l’urbanisation et de la demande d’habitations qui l’accompagne amplifie l’excès d’offre de logements.

Conséquence, malgré toutes les tentatives de relance, l’investissement résidentiel s’effondre et la construction neuve embraye, entraînant une baisse des prix aussi bien dans l’ancien que dans le neuf. La chute est d’autant plus rude que les années précédentes ont été marquées par une spéculation effrénée. Le logement, qui concentre 70% de la richesse des Chinois, devient ainsi une source d’inquiétude pour les ménages qui voient leur patrimoine se déprécier.

Or, le logement est bien souvent un prérequis au mariage, mais aussi une garantie pour les « vieux jours ». La pandémie et la politique zéro Covid ont miné la confiance de la population, mais son maintien à un niveau plancher depuis la fin des restrictions sanitaires renvoie, lui, au marasme immobilier, et la purge n’est pas encore terminée. La population hésite à consommer, ce qui pèse sur la croissance. Autre écueil, la fin des effets d’entraînement liés à la construction d’infrastructures. Autoroutes, ponts, lignes de chemin de fer, aéroports : le déficit d’équipement dont souffrait la Chine s’est comblé et la rentabilité des nouveaux projets s’érode.

Le mur de la productivité

Se dresse aussi un nouveau mur pour l’économie chinoise, celui de la productivité. Longtemps, elle a été portée par les transferts de technologie qui ont permis aux industriels chinois de rapidement s’accaparer des savoir-faire occidentaux tout en bénéficiant de l’apport de main-d’œuvre depuis les zones rurales, où la productivité est faible, aux villes, où elle est plus élevée. Le tout dans un contexte de coût du travail imbattable. C’est terminé ! Les investissements directs étrangers se tarissent. La modernisation des entreprises a épuisé ses effets et le filon du rattrapage s’essouffle.

La Chine doit donc se battre aujourd’hui sur la frontière technologique dans un certain nombre de domaines, ce qui est autrement plus difficile que d’être dans l’imitation. Quant aux productions les plus standardisées, à faible valeur ajoutée, elles se font de plus en plus concurrencer par les offres indiennes, vietnamiennes, indonésiennes, plus compétitives. Alors certes, cela ne se voit pas encore dans le chiffre du commerce extérieur. Tirées par le secteur automobile, grâce au bond des ventes de véhicules électriques, les exportations ont progressé de près de 5% sur les huit premiers mois de l’année et retrouvent des sommets. Cependant, la montée du protectionnisme à l’égard des industriels chinois se répand dans le monde. Europe, États-Unis, mais aussi les pays émergents comme le Brésil, le Chili, et la Turquie instaurent de nouveaux droits de douane. Paradoxalement, à court terme, cela donne un coup de boost aux exportations chinoises, mais plus dure sera la chute. La Chine est bien menacée par un ralentissement durable de son économie.