Quand on évoque l’Afrique dans les débats, il est souvent question de matières premières, de transition démographique ou d’énergies renouvelables. Or, les infrastructures logistiques sont un enjeu tout aussi stratégique, mais souvent sous-estimé ! Derrière les ports ou encore les routes, une compétition industrielle mondiale se joue.
L’Afrique représente aujourd’hui un peu moins de 3% du commerce mondial, malgré des coûts de main-d’œuvre attractifs et un potentiel de croissance. Mais elle souffre également de freins :
- Les coûts de transport intra-africains sont très élevés
• Les délais douaniers sont très importants
• Les ports ne sont pas considérés comme compétitifs en dehors de quelques exceptions
La conséquence est que malgré la présence de nombreuses ressources et matières premières critiques dans le sous-sol, les chaînes de valeur peinent à se structurer et les investissements directs étrangers restent concentrés dans certaines zones. Pour développer fortement un marché africain, le développement d’infrastructures logistiques est un enjeu clé.
Cet enjeu intéresse de nombreuses puissances qui y voient un intérêt à la fois pour renforcer leurs exportations vers l’Afrique et renforcer l’importation de matières premières depuis le continent africain. Les projets d’infrastructures deviennent donc un enjeu géopolitique :
- La Chine avec les « Nouvelles routes de la Soie », finance ports, lignes ferroviaires et parcs industriels de Mombasa à Lagos
- L’Union européenne et les États-Unis multiplient les contre-projets, comme le Global Gateway ou le corridor ferroviaire de Lobito pour offrir une alternative au modèle chinois
- La Turquie, l’Inde, les Émirats arabes unis ou encore le Japon développent aussi des stratégies ciblées pour positionner leurs entreprises dans les hubs logistiques du continent africain
Le contrôle des corridors logistiques africains permet le contrôle des flux futurs de matières premières critiques, d’énergie bas carbone, mais aussi de production manufacturière délocalisée.
Mais derrière cette dynamique d’investissement, une question fondamentale : pour qui sont construites ces infrastructures ?
- Sont-elles pensées pour connecter les économies africaines entre elles ou seulement pour extraire plus efficacement les ressources vers l’Asie ou l’Europe ?
- Favorisent-elles l’émergence de capacités industrielles africaines autonomes ou bien prolongent-elles un modèle extractif sous une forme modernisée ?
L’exemple du port de Kribi au Cameroun est révélateur : conçu pour exporter du fer, de gaz naturel ou de la bauxite, il peine à se connecter aux zones industrielles locales. Ce type de configuration renforce la dépendance aux logiques globales, au détriment du développement industriel endogène.
En conclusion, les infrastructures logistiques africaines sont bien plus qu’un enjeu technique comme très souvent quand il est question d’enjeux industriels !
- Elles conditionnent la capacité du continent à s’insérer dans les chaînes de valeur mondiales autrement que comme simple fournisseur de matières premières.
- Elles sont aussi un terrain de rivalité industrielle et géopolitique, où se joue la recomposition des échanges mondiaux et de la géographie productive mondiale
La question n’est pas seulement d’investir dans des infrastructures. C’est de savoir pour quelle industrialisation, avec quelles alliances, et au bénéfice de qui ?
Publié le mardi 10 juin 2025 . 3 min. 20
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