L’avenir de la compétitivité de nos entreprises et de notre potentiel de croissance est en danger. La raison ? La France connaît une chute vertigineuse de son investissement public, complément essentiel des activités privées.
Le retour en grâce
Du Fonds monétaire international (FMI) à l’OCDE en passant par Mario Draghi, la nouvelle doxa économique établit le même constat : la dynamique économique des pays riches reste plate, la politique monétaire ne peut aller plus loin dans son soutien, il ne reste plus que l’accroissement de la dépense publique productive, celle consacrée aux investissements de long terme, qui puisse redonner du tonus.
On en a une démonstration claire et inquiétante dans une étude publiée récemment par l’OFCE. A court terme, un euro de dépense publique en plus permet d’augmenter le PIB de plus de un, ce que les économistes appellent l’effet multiplicateur. Une synthèse de la littérature existante montre que dans la situation actuelle de faible activité et de taux d’intérêt très bas, le multiplicateur est élevé, compris entre 1,3 et 2,5. Et sans compter les effets positifs de moyen long terme d’une amélioration des systèmes de santé, d’éducation, d’infrastructures, etc.
Les économistes libéraux craignent qu’un accroissement des dépenses publiques soit inefficace et accapare des ressources qui se seraient dirigées sinon vers l’investissement privé. Une étude récente de l’OCDE répond à ces craintes. Elle montre qu’un accroissement de l’investissement public a des effets positifs d’ampleur significative sur la croissance potentielle des pays. Les dépenses d’éducation, de santé, de logement, de défense, de recherche sont celles qui accroissent le plus les gains de productivité, avec un effet particulièrement important pour les investissements dans la santé.
Le cas de la France
L’OCDE fait néanmoins remarquer qu’il arrive un moment où ajouter du capital public supplémentaire n’apporte plus rien. Où en sont les pays de l’OCDE ? Seul le Japon a atteint ce stade, tous les autres pays, y compris la France, disposant de marges de manœuvre leur permettant d’attendre des effets positifs d’une hausse de l’investissement public selon l’OCDE.
On comprend d’autant mieux ce résultat lorsque l’on observe la dynamique de l’investissement public français sur les dernières décennies et, surtout, la situation dramatique de ces dernières années. Pour bien mesurer l’état de la situation, il faut suivre les données d’investissements nets de la dépréciation du capital, c’est-à-dire en retirant des dépenses ce qui ne servent qu’à entretenir les anciens investissements, afin de saisir l’effort nouveau réalisé chaque année dans un pays où la population continue de croître et où les entreprises sont engagées dans une bataille compétitive avec leurs concurrentes étrangères.
Le résultat est sidérant : un niveau extrêmement bas à 0,2 % du PIB en 2015, une division par cinq rapport à la période 2000-2009, la France décrochant en la matière par rapport aux autres pays européens précisait Xavier Ragot le président de l’OFCE lors de la présentation de l’étude.
Que faire ?
Reprenant des travaux de l’ADEME et de France Stratégie, les chercheurs de l’OFCE mettent en avant deux exemples possibles d’investissements publics qui permettraient à la France de refaire son retard, la transition énergétique et le système éducatif.
Les chercheurs simulent également l’effet d’une hausse de l’investissement public de 20 milliards par an (en gros 1 % du PIB) pendant cinq ans et financée par de la dette publique, c’est-à-dire sans réduire les autres dépenses publiques d’un même montant. D’un côté, investissement privé et emplois augmentent, avec des effets positifs, de l’autre les importations croissent et dégradent le solde commercial. Au final, l’effet global sur la croissance est positif.
Comment avancer alors que les règles européennes contraignent les déficits publics ? Deux voies sont possibles, indique l’OFCE. D’un côté, jouer avec les flexibilités du Pacte de stabilité, à un moment où Jean-Claude Juncker et Pierre Moscovici n’ont de cesse de les mettre en avant. De l’autre, mettre en place une « règle d’or » budgétaire au niveau européen qui exclut les investissements publics des critères de calculs des déficits. La première voie semble la plus simple, surtout si la France passe sous les 3 % de déficit public en 2017 : elle sortira alors du volet correctif du pacte de stabilité et pourra plus facilement arguer de la nécessité d’un effort d’investissement public. C’est l’avenir de la qualité des services publics, de la lutte contre le réchauffement climatique, de l’investissement des entreprises et de l’emploi qui sont en jeu.
Christian Chavagneux, Alerte ! il faut augmenter l'investissement public, une vidéo Xerfi Canal TV.
Publié le mercredi 18 janvier 2017 . 4 min. 49
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