On peut tenter de résumer les orientations du programme économique de François Fillon en cinq points clés.
1. Le droit du travail représente un handicap pour l’économie française
Il faut donc l’alléger : en privilégiant l’accord collectif majoritaire au sein des entreprises par rapport à la loi, dans la logique de la très contestée loi El Khomri.
Les 35 H, déjà pourtant largement contournables sont supprimées et toute durée légale du travail est abrogée la seule référence étant les 48 H de travail maximum fixées au niveau européen. La possibilité de licenciements collectifs pour un nouveau vague motif de « réorganisation de l’entreprise » est introduite. Ajoutons la suppression d’un jour férié au mois de mai et une détermination de la variation du SMIC qui devra intégrer la pression concurrentielle internationale.
2. Réduire l’Etat providence
L’Etat, et de manière générale, les institutions publiques sont présentés non comme un complément de l’activité privée mais comme un gouffre financier.
Il est proposé une réduction des dépenses publiques de 100 milliards d’euros. La réduction de l’Etat Providence devra y contribuer pour moitié.
Côté retraite, passage de l’âge légal à 65 ans, développement des possibilités de capitalisation, suppression du compte pénibilité, harmonisation des régimes privés et publics. Côté maladie, la sécu ne remboursera plus qu’un panier de soin à définir, prenant en compte en particulier les maladies graves et de longue durée, en même temps qu’est introduite une franchise médicale universelle (tout le monde doit payer un peu avant d’être remboursé mais rien n’est dit sur le niveau) le reste devant passer par des complémentaires-santé, un effort étant fait en faveur des petits revenus. Côté chômage, une dégressivité des allocations.
Nulle part n’est mentionné que ces trois régimes – retraite, santé, chômage - sont en excédent (en 2016 ou 2017 et si l’on s’en tient à cotisations moins prestations pour l’Unedic).
L’Etat devra assumer un tiers des baisses de dépenses publiques, notamment par la baisse du nombre de fonctionnaires à hauteur de 500 000. Olivier Passet a montré ici même que si l’on considère que les hôpitaux sont débordés, les classes trop chargées et qu’il faut accroître les personnels affectés à notre sécurité (police, armée…), les collectivités territoriales, au premier chef les communes, devront supporter l’essentiel de la baisse, ce qui sera difficilement tenable.
Certes, François Fillon promet de faire passer le temps de travail à 39 H pour compenser la réduction des effectifs mais deux spécialistes des marchés publics à 39 H ne remplacent pas le poste supprimé de bibliothécaire ! Et la négociation sur une éventuelle augmentation du temps de travail devra portée sur la compensation salariale. Si c’est 39 H payées 35, les mouvements sociaux risquent d’être forts. Si c’est 39 H payées 39, alors le surcoût de masse salariale, de 15 à 20 milliards d’euros, compensera la quinzaine de milliards économisés issue de la suppression des emplois.
Certes, avec 500 000 fonctionnaires de moins, on reviendra au niveau de 2000, ce qui ne correspondait pas à une France en plein désert de services publics.
Sauf qu’entre 2000 et 2016, la France a gagné 6 millions d’habitants ! Et notre démographie, qui se porte bien, réclame pour l’avenir plus d’emplois et d’investissements publics dans l’éducation et la santé, pas moins.
3. Moins de progressivité de l’impôt
L’ensemble de la population sera confronté à une hausse du taux intermédiaire et du taux normal de TVA (de 10 à 12 % et de 20 à 22 %). Les personnes aux revenus les plus aisés bénéficieront d’une baisse sur la fiscalité des donations, d’une suppression de l’ISF, d’une augmentation du plafond du quotient familial et d’un taux unique sur l’imposition du capital à 30 %, accompagnée d’une suppression de niches fiscales et d’une franchise pour les petites épargnes.
Rien n’est dit sur l’éventuelle nécessité et sur les moyens à mettre en œuvre pour lutter contre les pratiques d’optimisation fiscale agressive des particuliers et des entreprises.
Au total, 15 milliards de baisse d’impôt et 15 milliards de hausse par la TVA. Seuls les plus riches y gagneront. Ainsi que les entreprises, avec 40 milliards d’allègements de cotisations supplémentaires.
La baisse des dépenses allant moins vite que la baisse des impôts, François Fillon admet une dégradation sur deux ans du déficit budgétaire mais il ne dit rien de la nécessité de négocier ce changement de cap à Bruxelles.
Deux derniers points. Sur le plan environnemental, le programme affiche un discours engagé en faveur de la maîtrise du réchauffement climatique. Mais en misant tout sur le nucléaire. Sur le plan européen, un renforcement du pouvoir des Etats au détriment de la Commission et une BCE qui devra intégrer la croissance et l’emploi dans ses objectifs, ce qui réclame de changer les traités.
Ce survol des très nombreuses propositions économiques de François Fillon permet de saisir l’orientation générale de son programme. Il est d’abord au service des entreprises et des plus riches, le coût des politiques ainsi engagées étant payé par le détricotage de l’Etat Providence et les impôts payés par tous.
Christian Chavagneux, Une lecture critique du programme de François Fillon, une vidéo Xerfi Canal TV
Publié le lundi 5 décembre 2016 . 5 min. 30
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