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Tout quantifier peut-il remplacer le jugement humain ?

Publié le mercredi 5 juillet 2017 . 4 min. 10

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Le monde économique contemporain a hélas remplacé le jugement par le calcul : voilà le constat indirect que font deux auteurs importants chacun dans leur domaine, la philosophe et philologue Barbara Cassin qui a coordonné l’ouvrage Derrière les grilles et le juriste Alain Supiot, lequel publie ses leçons du Collège de France sous le titre La gouvernance par les nombres. La convergence des deux approches, malgré leurs méthodologies sensiblement différentes, me paraît intéressante à présenter dans une perspective managériale.


Car ce n’est pas le fait de rendre des comptes, de recenser les besoins ou de projeter des objectifs chiffrés dans les organisations qui posent un problème en soi : l’évaluation quantitative est un critère inévitable de la réussite et du pilotage des organisations. Ce qui pose problème est qu’il tend à devenir le seul, en réduisant autant que possible l’épaisseur historique et culturelle des organisations à une suite de nombres et en les soumettant à un modèle de rationalité limité à la seule quantification. Nous vivons dans un monde économique pour lequel la qualité n’est plus qu’une émanation de l’hégémonique quantité. Le monde universitaire n’est pas en reste sur ce point d’ailleurs, qui détermine de plus en plus la carrière d’un enseignant-chercheur au nombre de ses publications, notez que je ne prononce pas l’expression lacanienne de « poubellications », et ce sans autre critère d’évaluation que le trop fameux impact factor.


Or, orienter l’action individuelle ou collective seulement à partir d’une grille d’évaluation quelle qu’elle soit, c’est prendre un très grand risque. Barbara Cassin d’évoquer ironiquement par exemple les 71 critères qui permettent selon MeeticAffinity d’apprécier la qualité de l’ajustement amoureux entre deux utilisateurs du service.


Autre exemple au spectre autrement plus inquiétant, celui de cette tragique remarque faite par Hannah Arendt au début des années 70: « les spécialistes de la solution des problèmes n’appréciaient pas mais calculaient ». Elle évoquait alors les hommes politiques américains abritant leurs décisions de poursuivre la guerre au Vietnam sur la base de données chiffrées, apparemment satisfaisantes, mais ignorant tout du terrain et de la culture de l’adversaire de l’époque.


Quant à Alain Supiot, il rappelle que cette tendance générale prend sa source en économie dans la théorie des jeux et le dilemme du prisonnier, qui croit démontrer la supériorité des contrats de coopération à partir d’un rapport coûts-avantages trop vite fait, car au prix d’une évacuation des valeurs de probité, d’intégrité ou encore d’honneur qui, dans les grilles comptables, comptent pour zéro. Selon Supiot, « le bon usage de la quantification suppose donc un sens de la mesure ».


Mais comment résister dans la prise de décision à cette mathesis universalis au cœur des principaux outils d’aide à la décision, et auxquels le développement des algorithmes ne fait qu’ajouter ? Comment retrouver ce que l’on pourrait appeler une biodiversité des évaluations ? La réponse pourrait nous venir d’un troisième ouvrage, composé par Pascal Chabot, l’Age des transitions. Cette transition dont il parle c’est celle qui parviendrait à faire coexister l’utile et le subtil, la relation au monde faite sur la base d’un calcul et cet autre rapport qui privilégie ce qui se trame sous le visible et qui nécessite du discernement, de la finesse et de l’attention aux signaux faibles. « A la connaissance mathématique qui n’a en vue que des principes généraux et les impose partout sans égard » explique-t-il, il faut opposer « une connaissance concrète, qui part de chaque existence et en respecte les spécificités. » Cette connaissance concrète est celle du jugement proprement humain, une sorte d’ordre du subtil dont cet auteur explique qu’il « est peut-être ce qui demeure d’une vie, lorsqu’elle s’achève ». Ce qui fait qu’en ce sens aussi, le subtil a son utilité. 


D'APRÈS LE LIVRE :

Derrière les grilles: Sortons du tout-évaluation

Derrière les grilles: Sortons du tout-évaluation

Auteur : Barbara Cassin
Date de parution : 12/02/2014
Éditeur : Fayard/Mille et une nuits
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