L’urgence environnementale est aujourd’hui indiscutable.
Deux chiffres suffisent pour en prendre conscience. Le premier est notre budget carbone qui est le maximum de ce que devons encore émettre pour respecter l’accord de Paris, soit 800 Gt et le second est celui des émissions annuelles qui sont de 42 Gt. Autrement dit, au rythme actuel, notre budget carbone sera épuisé vers 2040, soit dix ans avant la date butoir de 2050 qui est souvent avancée comme celle visée pour avoir un système économique neutre en carbone.
Une réaction doit donc être rapide et forte et avoir des effets sur l’ensemble de notre mode de vie, production, consommation, mobilité, loisirs qui tous impactent notre utilisation des ressources disponibles et de l’énergie dont nous disposons.
On invoque souvent une transition énergétique en cours, permettant de passer des énergies fossiles aux énergies renouvelables. Malheureusement, cette transition existe davantage dans les discours que dans la réalité. Car loin de vivre un passage des fossiles aux renouvelables, ce à quoi on assiste c’est à une consommation accrue de toutes les énergies et de toutes les ressources.
Comme le changement climatique touche le monde entier, une solution institutionnelle visant la coordination des efforts de toutes les parties concernées, et d’abord les États, devrait être une voie privilégiée. Les COP sont la forme prise aujourd’hui par cette coopération internationale, sans résultats significatifs, ce qui n’obère en rien la nécessité d’une coordination.
Mais le grand nombre d’États fait qu’il est difficile de passer d’un traité, même signé par tous, à des effets tangibles.
Sans remonter trop loin, le nombre de pays officiellement reconnus par l’ONU depuis 1945, a fortement augmenté d’une part avec la décolonisation et d’autre part avec l’éclatement du bloc soviétique. Il y avait 76 pays indépendants en 1955, dont 5 en Afrique, puis 144 en 1975 dont 48 en Afrique et 33 en Europe pour arriver respectivement en 2012 à 197, 54 et 45. Ces 197 E´tats souverains ont bien du mal a` se cordonner, devant renoncer alors a` une part de leur souverainete´, si nouvellement acquise pour les États les plus récents qu’ils y sont d’autant plus attachés.
De plus, chaque E´tat a des contraintes de court terme qui se traduisent par des conséquences électorales et s’opposent à l’adoption de politiques de rupture qui n’ont que des effets à long terme. C’est ce qu’on appelle la « tragédie des horizons ».
Alors qu’en est-il de la crédibilité de l’idée d’un gouvernement mondial, conséquence logique de la nature globale du problème du réchauffement climatique ?
Ce n’est pas une idée nouvelle, et bien avant l’apparition des inquiétudes sur le climat elle avait été envisagée notamment par Kant en 1784 dans Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique. Il considère que la création d’un État cosmopolitique universel par le moyen d’une constitution politique permettrait la coexistence pacifique des libertés. Ce projet se heurte à « l’insociale sociabilité » des hommes, concept oxymorique qui désigne leur tendance contradictoire à faire société. Et cette contradiction se reproduit au niveau des États, Comment surmonter ce dernier obstacle ? « par le truchement des guerres, de leur préparation excessive et incessante, même en temps de paix, puis, finalement, après bien des désastres, bien des naufrages, entrer dans une Société des Nations dans laquelle chaque État, même le plus petit, verrait sa sécurité et ses droits garantis » nous dit Kant.
Mais nous en sommes encore à devoir regretter l’asociale sociabilité des États, qui restent toujours dans une situation de guerre plus ou moins larvée, et aujourd’hui plutôt plus que moins comme on le voit en Ukraine, au Congo ou à Gaza. Notre Société des Nations moderne se révélant bien impuissante pour être cette « force unie et de la décision légale unifiée ». Et il est probable que nous allons encore goûter un certain temps à « bien des désastres, bien des naufrages » avant que la raison puisse se faire entendre.
Publié le jeudi 27 juin 2024 . 4 min. 40
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