Le réchauffement climatique est une des manifestations les plus évidentes d’un changement dans les conditions de vie sur terre.
Parmi toutes les causes avancées, celle du prix Nobel de chimie 1995 Paul Crutzen, publiée en 2002 dans la revue Nature a connu un succès fulgurant. En avançant l’idée d’une nouvelle ère géologique qu’il baptise « Anthropocène », il désigne l’ère où l’homme devient lui-même une force géologique qui, par son action, bouleverse les forces naturelles qui jusqu’ici régissaient l’évolution du système terrestre.
Mais définir une ère géologique ne peut se faire que sur des critères objectifs acceptés par la communauté scientifique des géologues. C’est pourquoi la reconnaissance de l’anthropocène a fait l’objet d’un examen formel depuis plus de quinze ans à partir d’un dossier établi par la sous-commission du quaternaire (la SQS), instance de la Commission stratigraphique internationale dépendant de l’Union internationale des sciences géologiques.
Le verdict rendu par la SQS et approuvé aux divers échelons de l’Union a été de refuser de définir la nouvelle ère que serait l’anthropocène.
Le rôle du groupe de travail sur l’anthropocène qui avait préparé le dossier était de proposer une date (1952 avait été suggérée) et une validation stratigraphique s’appuyant sur les traces laissées dans les sédiments, les roches ou les glaces d’une différentiation nette entre l’holocène, et une nouvelle ère baptisée anthropocène. Ce groupe de travail avait conclu que les marqueurs de cette transformation géologique de la Terre étaient suffisamment nombreux pour justifier ce changement d’ère, mais finalement sans être suivi par la majorité de la SQS. La décision de la SQS est contestée au sein même de la communauté des géologues sur la base de divers arguments qu’on peut qualifier de techniques. Ceux qui refusent la nouvelle nomenclature avancent notamment la distinction nécessaire entre le temps long de la géologie et le temps court du calendrier humain, arguant qu’il est encore trop tôt pour juger de l’avènement d’une ère nouvelle, même si des signes visibles de transformation sont réels (présence de plutonium ou de plastiques dans les sédiments, émissions importantes de carbone, perte de biodiversité, …) ils ne seraient pas suffisants pour indiquer une rupture nette. Peut-on dès aujourd’hui dire qu’à partir de 1952 commence une période appelée à durer aussi longtemps que l’holocène démarré il y a 11 700 ans ?
Naomi Oreskes, co-autrice du best-seller Les marchands de doute avec Erik Conway, se déclare déçue de la décision de la SQS, au motif que ce refus laisse entendre qu’elle ne veut pas reconnaître l’évidence d’un changement reconnu par tous.
Toutefois la question posée par l’anthropocène me semble moins relever de critères techniques, que seuls les géologues sont à même de trancher, que dans le nom choisi pour cette nouvelle ère. Car si l’homme en tant qu’espèce prend le pas sur la nature, il l’a toujours fait dès la domestication du feu (et même avant). Ce qui serait nouveau et spécifique à l’anthropocène serait surtout le fait que l’échelle de ces changements est telle qu’elle menace la possibilité de la vie terrestre telle que nous la connaissons. Et repérer du plutonium et des plastiques dans des sédiments peut difficilement être attribué à l’espèce humaine avant la révolution industrielle, quand ni le plutonium ni les plastiques n'étaient connus. Or qualifier cette ère d’anthropocène c’est attribuer à l’homme en tant qu’espèce la responsabilité de ce changement. Mais si l’homme est par nature conduit à détruire son environnement, il n’y a pas lieu de lui en faire porter une quelconque responsabilité. Ce qui rend la lutte contre le réchauffement climatique bien difficile. L’homme est alors comme le scorpion qui pique la grenouille qui l’aide à traverser la rivière, signant ainsi sa propre fin au grand étonnement de cette dernière.
Publié le mercredi 17 juillet 2024 . 4 min. 17
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