Le capitalisme semble capable de s’adapter à tout, donnant l’illusion d’une résilience inébranlable. Pourtant, cette résilience a un coût : l’épuisement simultané de la nature et des travailleurs, comme l’avait déjà souligné Marx.
Si la destruction écologique est largement médiatisée, celle du travailleur reste plus discrète, alors qu’elle suit le même processus de dégradation continue. L’intensification du travail en est un exemple frappant, avec des conséquences directes sur la santé. En 2019, l’OMS a intégré le burnout dans le CIM-11, son nouveau classement des maladies. Ce phénomène touche chaque année plus d’un million de personnes en France. Pourtant, la reconnaissance des maladies professionnelles repose sur une lutte, car le patronat tend à minimiser leur lien avec l’organisation du travail.
L’historien Jean-Baptiste Fressoz, dans L’Apocalypse joyeuse, rappelle que dès Napoléon, l’industrialisation s’est faite au détriment de la santé ouvrière. Dans les manufactures de soude, les plaintes ont surgi dès leur installation, mais les dégâts sanitaires ont d’abord été attribués aux ouvriers eux-mêmes, jugés responsables par leurs habitudes de vie. Plutôt que d’améliorer les conditions de travail, on a tenté de les moraliser ou d’augmenter légèrement leurs salaires. L’industrie chimique polluante des années 1800-1820 a ainsi prospéré sous la protection de l’État, au bénéfice d’une minorité de manufacturiers influents.
Un exemple édifiant est celui du chimiste Chaptal, lui-même propriétaire d’usines d’acide, qui assurait que son industrie était propre sous prétexte que la perte de matière représentait un manque à gagner. Charles-Louis Cadet de Gassicourt, dans un rapport sur l’usine de Neuilly, affirmait ainsi que si les riverains souffraient des émanations, c’était la faute des ouvriers.
Cette capacité du capitalisme à rebondir s’observe aussi dans sa réponse aux souffrances qu’il génère. L’explosion des maladies liées au travail a donné naissance à une offre marchande de solutions : médicaments, développement personnel, programmes de bien-être au travail. Sandra Lucbert, dans Personne ne sort les fusils, analyse le procès de France Telecom et montre comment le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) invente sans cesse de nouveaux troubles pour suivre l’évolution des méthodes managériales. Plus le management détruit les salariés, plus les laboratoires pharmaceutiques y trouvent un retour sur investissement.
En réalité, le capitalisme n’est résilient que si l’on oublie les conséquences sociales, économiques, écologiques et humaines de son adaptation permanente.
Publié le mercredi 09 avril 2025 . 3 min. 13
Les dernières vidéos
Économie générale


Les dernières vidéos
de Gilles Rotillon
LES + RÉCENTES



LES INCONTOURNABLES

Bérangère Szostak 25/04/2025
