A l’occasion du conclave sur les retraites mis en place par le gouvernement, un débat a refait surface avec force, celui du passage d’un système par répartition à un autre par capitalisation.
C’est un débat de plus de 30 ans et les partisans de la capitalisation semblent être de plus en plus nombreux, réclamant au minimum qu’une partie des retraites soient soumises à ce régime. Ce qui est d’ailleurs le cas en France pour les retraites complémentaires gérées par l’Agirc et l’Arco. Deux arguments principaux sont avancés. L’un prend appui sur le rapport du nombre d’actifs au nombre de retraités, aujourd’hui de 1,7 et prévu à 1,3 dans 50 ans. A quoi s’ajoute l’augmentation de l’espérance de vie qui fait que les retraites devront être payées plus longtemps. Ce qui implique, sans réformes, un déficit croissant du système par répartition. L’autre est le meilleur rendement promis avec la capitalisation, pouvant aller jusqu’à une multiplication par 11. Pour ses défenseurs, il n’y a pas à hésiter et ils ajoutent souvent pour faire bonne mesure que le principe de base de ce système est la liberté qui rend chacun gérant de sa propre retraite.
Il est exact que le rendement est plus élevé avec la capitalisation. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt, car en réalité ce raisonnement est trop global pour être vrai. D’abord, pour capitaliser, il faut du capital, ce qui est loin d’être le cas de tous. Il s’agit donc d’un système très inégalitaire qui favorise les plus riches, s’opposant au système par répartition qui est basé sur la solidarité intergénérationnelle et permet de garantir une retraite minimale. Ensuite, ce rendement est loin d’être certain. Car en investissant son capital en actifs financiers, on s’expose toujours à un risque, qui vient du fait que quand on veut liquider ces actifs à la retraite pour toucher sa pension, encore faut-il qu’ils trouvent des acheteurs. Ce qui montre d’ailleurs que comme dans le système par répartition ce sont aussi les actifs qui paient la retraite de ceux qui la prennent, c’est-à-dire ici des acheteurs qui travaillent acquérant les actifs financiers que veulent vendre les retraités. La différence est que dans le premier les actifs à la période t paient pour les retraités de la même période, tandis que dans l’autre ce sont les actifs futurs qui paieront les retraites futures. Or, s’il y a bien une certitude en économie, c’est que le transfert de richesse dans le futur n’est jamais sûr. Des millions d’américains en ont fait la triste expérience après la crise des subprimes de 2007, perdant leur retraite et restant encore endettés dix ans après. Enfin, comme le note un rapport récent de la Cour des comptes, ceux qui capitalisent bénéficient de réduction d’impôts et de cotisations sociales qui coûtent à l’Etat une perte de recettes de 1,8 milliards d’euros par an.
Derrière l’idée que la capitalisation est meilleure que la répartition pour ceux qui cotisent, il y a la croyance en un pouvoir de création de valeur par le capital en soi. Or c’est une pure illusion qui refuse de voir par idéologie que seul le travail est créateur de valeur. La crise du Covid a bien montré que quand le travail s’arrête, les entreprises perdent leurs profits. Elles se mettent alors à réclamer haut et fort le retour à la production. Si elles étaient cohérentes et croyaient réellement à la fable d’un capital productif, elles n’auraient qu’à le placer en attendant qu’il fassent des petits.
Publié le jeudi 05 juin 2025 . 3 min. 55
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