L'Europe face au vide stratégique : la fin de l'occident ?

Tout le monde savait que Trump II serait très différent de Trump I : plus rapide, plus brutal. Mais personne ne s’attendait à ce qui se déroule sous nos yeux : un coup d’État dictatorial aux États-Unis et un renversement quasi complet des alliances, particulièrement contre l’Europe. Que peuvent – et doivent – faire les Européens dans ce contexte ?

Pour agir, il faut d’abord comprendre. Trump II sonne le glas de ce qu’on appelait « l’Occident », cette alliance entre l’Europe et les États-Unis forgée dans les deux guerres mondiales. La chute du Mur de Berlin avait déjà distendu ce lien ; il est désormais en train de se briser.

Depuis longtemps, les États-Unis ont pivoté vers l’Asie. Barack Obama avait amorcé un retrait des affaires européennes, en refusant notamment d’intervenir en Syrie contre Assad. Le soutien de Biden à l’Ukraine avait marqué un sursaut, mais la tendance de fond restait là.

Trump II en accélère brutalement le cours. Car ce ne sont pas seulement les liens stratégiques avec l’Europe qui sont rompus : ce sont aussi les valeurs communes qui s’effondrent. Démocratie, état de droit, droits humains inaliénables, droit international, multilatéralisme… Tout cela n’est plus que décor.

Certes, l’Occident s’était souvent écarté de ses propres principes : les États européens dans leurs colonies, les États-Unis en s’appuyant sur les pires dictatures pour contrer l’URSS, ou en s’attaquant aux Nations Unies, à l’UNESCO, à l’OMC. Washington avait déjà rejeté la Cour Pénale Internationale, la Cour de Justice Internationale, ou le protocole de Kyoto – privant la planète de 25 ans dans la lutte contre le changement climatique. Trump n’a pas inventé « America First ».

Mais jusqu’ici, ce fossé entre principes et pratiques n’avait jamais conduit à une remise en cause formelle des valeurs fondatrices. Trump II franchit ce Rubicon. L’Amérique tourne le dos à l’héritage des Lumières.

Et l’Europe ? Elle pourrait basculer à son tour dans l’autoritarisme. C’est l’espoir de l’extrême droite, portée par l’effet Trump/Musk et les puissants relais technologiques et financiers qui les accompagnent. On peut espérer cependant que leurs excès déjà visibles et leurs échecs probables agissent comme repoussoirs.

Si l’Europe résiste à la vague trumpiste, elle sera de plus en plus isolée. Les États-Unis ne la soutiendront plus. Pire : ils pourraient devenir ses adversaires, diplomatiques, économiques, et peut-être même militaires – comme on le pressent déjà au Groenland.