Hollande, Merkel, Cameron : une Europe "light"
Publié le jeudi 14 février 2013 . 4 min. 35
Xerfi Canal présente l'analyse de Jean-Michel Quatrepoint, journaliste-essayiste
Où va l'Europe ? Dans le mur, serait-on tenté de dire, tant le spectacle donné depuis des mois, pour ne pas dire des années, paraît pitoyable. Ce qui vient de se passer autour du budget européen est une illustration de plus que cette Europe à vingt-huit ne fonctionne pas. Elle ne fonctionne pas, parce qu'avec l'élargissement trop rapide, les intérêts entre les pays membres sont devenus contradictoires, pour ne pas dire antagonistes. Elle ne fonctionne pas, parce qu'il n'y a plus de vision commune d'un avenir en commun. Elle ne fonctionne pas, parce que les peuples ont le sentiment que la machine européenne tourne à vide. Elle ne fonctionne pas, parce qu'il n'y a plus de leaders charismatiques capables de porter un projet.
Pour toutes ces raisons, et quelques autres, ce qui reste du rêve européen se résume à de petits compromis, fruits de longues et épuisantes négociations, qui ne résolvent rien, et surtout qui ne préparent pas l'avenir. Dans ce délitement de l'idée européenne, la France a, bien évidemment, sa part de responsabilité. Sans doute parce que ses élites, sa diplomatie, sa classe politique ont trop longtemps misé sur le seul couple franco-allemand. Or, le rapport de forces, déséquilibré avant-hier au profit de la France, équilibré hier, est désormais déséquilibré au profit de l'Allemagne.
Nicolas Sarkozy s'en était aperçu et avait choisi de surjouer la carte de l'amitié avec Angela Merkel, pour donner le sentiment, l'illusion d'une relation à égalité. En réalité, dans les discussions, dans les négociations, la France lâchait beaucoup.
François Hollande, lui, est un enfant de Jacques Delors. C'est dire qu'il est un Européen convaincu. Son passage à la tête du PS lui a appris l'art du compromis. Et, sur un plan personnel, derrière son apparente bonhomie, c'est un homme secret, qui ne livre pas le fond de sa pensée. Sa politique européenne, depuis qu'il est arrivé à l'Élysée, doit être décryptée à l'aune de ces trois critères.
Sans doute est-il conscient de la nécessité de redéfinir la relation franco-allemande. Mais il n'a pas voulu engager frontalement le bras de fer avec Angela Merkel. D'abord, parce que ce n'est pas dans son tempérament d'aller à l'affrontement. Ensuite, parce que la conjoncture économique ne nous est pas favorable. Enfin, parce qu'il y a des échéances électorales en Allemagne, en septembre.
Pour toutes ces raisons, François Hollande est enclin à donner du temps au temps, c'est-à-dire à gagner du temps. Avec l'espoir que la crise de l'euro étant derrière nous, la croissance reviendra d'ici à un an. Et que, peut-être, le sort des urnes ne sera pas aussi favorable à Angela Merkel que sa popularité le laisse aujourd'hui penser. Toute la tactique de François Hollande a consisté, consiste à afficher un minimum de cordialité avec la chancelière, tout en jouant sur les bordures avec les Italiens, les autres pays du sud, le parlement européen, pour tenter d'obtenir des infléchissements de la ligne politique de Berlin.
On l'a encore vu sur le budget européen où François Hollande a accepté le compromis peu glorieux qui sacrifie notamment une bonne partie des investissements d'avenir. Le président français espère que le Parlement, présidé par un social-démocrate allemand, modifiera ce budget d'austérité.
Cette tactique française en vaut une autre. Mais elle ne fait que repousser les échéances inéluctables. Que va-t-il se passer si la croissance, comme on peut le craindre, ne revient pas de sitôt ? Angela Merkel, qui a compris visiblement la tactique de François Hollande, a pris la France à contrepied en se rapprochant de David Cameron sur le budget européen. Une sorte d'alliance germano-anglaise est en train de se nouer. Sur fond de négociations transatlantiques, pour libéraliser encore plus les échanges entre l'Europe et les Etats-Unis. En Italie comme en Espagne, la situation politique est explosive, et cela en fait des alliés peu fiables.
Il va bien falloir engager la réflexion sur l'Europe que nous voulons, sur notre relation avec l'Allemagne, et les efforts que nous sommes prêts à faire pour garder notre statut. Avec cette question lancinante : l'austérité, oui, mais pour qui, et pourquoi ? L'austérité est peut-être un mal nécessaire. À une condition : qu'elle serve les intérêts de notre pays et de sa population.
Jean-Michel Quatrepoint, Hollande, Merkel, Cameron : une Europe "light", une vidéo Xerfi Canal
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