Entre pure spéculation et investissement quasi confessionnel, le Bitcoin s’avère être l’expérience ultime du capitalisme débridé. Dans cette atmosphère de défiance vis-à-vis des institutions monétaires et financières, cette pièce électronique sans émetteur central permet, dans l’esprit de ses défenseurs, de lutter contre la tutelle des banques centrales. Pour les vrais croyants du Bitcoin, il s’agit donc de créer un système financier qui échappe à tout pouvoir souverain d’une part, et qui permettrait de court-circuiter les banques d’autre part.
Ils ont la volonté d’échapper à toute régulation et à toute tutelle de l’Etat. Cette absence de subordination tranche avec les monnaies classiques qui tirent leur valeur du pouvoir libératoire que leur confère la loi. Cela se matérialise concrètement dans l’obligation de payer ses impôts et de payer ses dettes en monnaie nationale. Cette idée de monnaie comme rapport social régi par la loi, le Bitcoin en est bien loin. C’est même contradictoire avec l’idéal qui le gouverne.
Spéculation sans filet
Mais cela veut aussi dire que, n’ayant pas de banque centrale pour ajuster son offre à sa demande, le Bitcoin pourrait disparaître en cas de panique généralisée, ou même de malfaisance. D’ailleurs, il faut savoir que l'une des plus grandes bourses de Bitcoin du monde, Mt.Gox, s’est écroulée en 2014 après avoir perdu des centaines de milliers de bitcoins qui ont probablement été volés. Il n’y a donc pas de filet quand on investit dans le Bitcoin, à l’inverse des monnaies classiques où le souverain est le premier défenseur de la monnaie en cas d’attaque ou de trop forte fluctuation.
Le Bitcoin est ainsi conforme à la doctrine libertarienne : ceux qui prennent les risques prennent les pertes.
Le Bitcoin commence à attirer l'attention des régulateurs
Pourtant, cela ne stoppe pas l’engouement autour de la cryptomonnaie. De nombreux néophytes de la finance qui rêvent de décrocher le pactole s’y intéressent. Résultat, même les mastodontes bancaires américains JPMorgan, Bank of America, Citigroup ou Goldman Sachs - pourtant pas considérés comme des institutions frileuses sur les marchés – paraissent bien pondérés à côté des pro-Bitcoin !
Certes, pour l’instant, les cryptomonnaies ne représentent qu’environ 500 milliards de dollars de capitalisation. Elles ne pèsent donc pas encore assez pour faire courir un risque au système financier mondial. Mais c’est tout de même suffisant pour attirer l’attention des régulateurs, comme en Corée du Sud où une taxe sur les plateformes d’échange de Bitcoin est à l’étude.
Une forme de liquidité transnationale
Il est vrai que si à terme, le Bitcoin venait à prendre encore de l’ampleur, cela bouleverserait d'autres devises à travers le monde. Ce serait en soit une rupture intellectuelle dont ne sait pas aujourd’hui où elle pourrait nous mener.
Si tel était le cas, l’économiste Michel Aglietta estime que les banques centrales n’auront pas d’autre choix que de traiter les émetteurs de monnaies virtuelles comme des banques transnationales. Cela implique l’émergence d’une régulation monétaire mondiale, donc d’une forme de liquidité qui soit transnationale.
Sans cela, exit les banques centrales, la Fed, le BCE ou la Banque centrale du Japon. La seule croyance sera l’autorégulation des marchés. Mais cela, vu les crises financières récentes, il est permis d’en douter…
Publié le lundi 12 février 2018 . 3 min. 50
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de Mathias Thépot
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