Xerfi Canal TV présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses - Xerfi
Au secours, le Poker menteur grec est de retour. Il s’était fait quelque peu oublié depuis juillet dernier. Mais la non-solution de l’été ne pouvait que le faire remonter à la surface... A vrai dire, tout a été conçu pour en faire une série sans fin. Et tous les ingrédients sont là, encore, pour que les parties en présence s’épuisent dans un jeu de dupe à plusieurs bandes ;
Le FMI d’abord, qui joue la surenchère de la rigueur, mais qui derrière son intransigeance de façade cherche surtout à mettre le couteau sous la gorge des allemands en les plaçant face à leur impasse logique. Ils disent haut et fort que les grecs ne sont pas dans les clous des objectifs qui leur sont assignés. Ils chiffrent froidement les nouvelles ponctions nécessaires, pour obtenir, non la mise à genou de l’exécutif grec, mais pour forcer les européens, à admettre une restructuration inévitable de la dette.
Les allemands ensuite, qui confirment mois après mois, et ce de façon de plus en plus explicite, que la défense des épargnants et des banques, demeure l’alpha et l’oméga de leur politique. Leur excédent courant colossal, que rien ne vient entamer, les enferme toujours plus dans une logique de créancier gendarme de leurs débiteurs. Sauf qu’ils commencent peut-être à douter de l’efficacité des stratégies brutales. Certes, Le Handelsblatt, le journal de référence du milieu des affaires outre-Rhin, en convient, citant une étude allemande : 95 % de l’aide apportée à la Grèce revient de facto aux banques et aux créanciers. Mais a contrario, la déflation du sud et l’affaissement des taux d’intérêt euthanasie en retour les épargnants. A moins de fouler du pied la sacrosainte indépendance de la BCE, il leur faudra peut-être lâcher du lest sur les mauvais élèves européens.
Les grecs enfin, qui appliquent à peu de choses près le mémorandum, sans en tirer les résultats escomptés. Qui n’ont pour seul but que de freiner les prochains tours de vis budgétaires. Et qui misent sur le fait que la barque européenne est suffisamment chargée, entre migrants, populisme, Brexit, pour que leurs partenaires évitent de remettre le Grexit sur le tapis.
Que dire de tout celà? D’abord que cela fera encore beaucoup de temps de négociation gaspillé, qui nous éloigne des vrais sujets de fond, que l’Europe ne cesse d’esquiver. Tout cela participe au grand surplace, d’un projet européen inabouti, qui s’épuise dans la recherche de sa propre survie. Ensuite, que la réalité économique est têtue. L’économie Grecque s’enlise. Elle n’atteindra pas la cible d’excédent primaire qui lui est fixée pour 2017. Et qu’il est grand temps de faire le vrai constat qui s’impose pour la Grèce, même s’il peut déplaire.
Le Pays n’est pas sur-socialisé, mais sous-socialisé. Oui les retraites sont anormalement élevées… mais parce qu’elles font office d’outil de couverture de tous les autres risques, qui de leur côté sont mal pris en charge. Ce que l’on ne dit pas c’est que sur toutes les autres branches de la protection sociale : le chômage, la famille, la santé, logement, la couverture est sous-dimensionnée. Bref, le parapluie social, ce sont les parents. Et plus votre famille est aisée, mieux vous êtes couvert. Il s’agit là d’un système à la fois inéquitable et inefficace.
Tant que les créanciers n’auront d’autre obsession que de dépecer le système de retraites grecs sans rien proposer en contrepartie, autrement dit sans bâtir les autres branches de la protection sociale. Tant qu’ils braderont les grandes entreprises de réseau à leur seul profit, enterrant toute chance de rebond productif du pays. Tant qu’ils confineront la Grèce dans la mono activité touristique, au prix d’une destruction du capital naturel et paysager. Bref tant qu’ils saperont toutes les potentialités de long terme du pays avec pour seule obsession de récupérer au plus vite leur mise de fond. Alors la zone euro restera cet espace de déconstruction européenne, que sanctionne de façon de plus en plus sévère le jeu démocratique. Il est à craindre que cette prise de conscience ne soit pas pour aujourd’hui.
Olivier Passet, Au secours ! la crise grecque revient !, une vidéo Xerfi Canal TV
Publié le jeudi 12 mai 2016 . 4 min. 33
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