Ce qui bloque vraiment la croissance en France
Publié le lundi 21 mars 2016 . 4 min. 34
Xerfi Canal TV présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses - Xerfi
Quels sont les blocages de la croissance en France ? Car si le dernier bulletin de l’INSEE nous laisse miroiter que 1,5% de croissance est à portée de main en 2016, nous n’en restons pas moins très en deçà des taux de croissance de ce que l’on appelait une reprise il y a encore quelques années. Si je souhaitais me joindre au concert quasi unanime, je devrais vous dire que la croissance coince en France, parce que notre vieux système irréformable est grippé. Chanter viva Espana, viva Renzi en surexploitant la conjoncture du moment.
Au risque d’en agacer plus d’un, la première évidence, c’est que si la croissance française coince, c’est d’abord à cause des autres... Le fameux contexte extérieur sur lequel les politiques aiment tant se défausser. Je sais que cette manière de rejeter nos piètres performances sur l’enfer des autres, de l’Europe, de l’Allemagne, de notre système monétaire sans encrage, de notre finance instable peut sonner comme de dénégation aveugle de nos problèmes. Mais c’est pourtant cela qui ressort au premier chef.
Car les écarts de conjoncture de la France, avec la zone euro, l’Allemagne, ou hors zone euro avec le Royaume-Uni par exemple, ne font que répéter de grandes constantes. Si je compare la France à la moyenne de la zone euro. Son écart de croissance à la moyenne est conforme à ce qu’il a toujours été. Il devient positif quand l’Europe décélère et devient négatif quand elle accélère. Et si je compare maintenant France et Allemagne, les écarts sont plus chahutés que par le passé, mais n’indiquent rien d’atypique. Avec le Royaume-Uni, ce que l’on met en évidence, c’est l’éternel retard à l’allumage des pays continentaux européens par rapport aux pays anglos-axons, avec des récessions moins brutales chez nous, et un retard à l’allumage récurrent en phase de remontée du cycle. Une tendance commune à toute l’Europe à étirer les récessions donc. Et ce que cela met d’abord en évidence, c’est l’incapacité de la zone euro, empêtrée dans ses règles, à utiliser l’arme budgétaire et monétaire à bon escient, c’est-à-dire sur un mode contra-cyclique comme on dit. Un problème qu’aggrave la France avec son incapacité chronique à ce constituer des munitions en phase haute du cycle ; Un problème de tempo dont Philippe Aghion soulignait il y a quelques années qu’il rognait peu à peu notre croissance potentielle.
Maintenant que j’ai rappelé l’évidence, c’est-à-dire que nous sommes pris comme les autres dans la masse de la stagnation mondiale (séculaire ou non), et que la politique macro encore joue un rôle majeur dans les différences de performances, passons aux choses plus sérieuses. Car le vrai indicateur de nos problèmes ce n’est pas la croissance, boostée par notre démographie, mais la trajectoire relative de notre PIB par habitant. Non pas avec la moyenne de la zone euro, car les désastres du sud nous permette de nous maintenir à flot, mais avec le Royaume-Uni et l’Allemagne qui constituent nos vraies références dans le concours de beauté des nations intermédiaires.
Premièrement le Royaume-Uni n’a cessé de nous remonter depuis l’aube des années 80-90. Il nous dépasse aujourd’hui. Et ce pays nous rappelle d’abord l’enjeu de la compétitivité fiscale quand on est en marge du noyau dur européen… chose que la France a trop longtemps sous-estimé, se considérant à tort comme un pivot européen. Je ne dis pas pour autant que la partie est définitivement gagnée côté britannique. Rejoindre les autres est une chose. Les dépasser dans la durée en est une autre. Et l’on ne peut ignorer que le Royaume-Uni, avec son appétence pour le travail dégradé bute aujourd’hui sur une productivité dégradée et des déséquilibres financiers considérables qui peuvent enrailler sa course aux étoiles.
Côté allemand, le décrochage est une histoire plus récente, en ligne avec le dévissage de nos parts de marché… Une référence qui nous rappelle aussi que la flexibilité du marché du travail ne fait pas tout. Et que la compétitivité s’attaque sur tous les fronts. Comme nous, le marché du travail allemand est dual. Comme, nous il est protecteur pour les CDI… mais à la grosse différence de nous, il a organisé une vraie souplesse dans les petites structures.
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