Xerfi Canal TV présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses - Xerfi
Peut-on vraiment parler de préférence française pour le chômage ? A l’origine de cette idée, il y a les travaux de Lindbeck et Snower de 1984, popularisés en France dès 1987 par OLivier Blanchard … le fameux modèle insiders-ousiders. Ceux qui sont dans la Place négocient leurs droits sans tenir compte des outsiders, créant une barrière à l’entrée pour ceux qui sont en dehors de la place. La persistance du chômage vient en partie de cela. Mais il y a surtout l’article de Denis Olivennes, la préférence française pour le chômage, paru en 1994 dans la revue Débat.…qui s’interroge sur la responsabilité de notre contrat social dans la persistance du chômage.
Ces deux contributions posaient de bonnes questions. Elles bousculaient la bien-pensance de gauche en réactualisant l’idée d’un chômage volontaire. Non au plan individuel mais comme fruit de choix collectifs. Nul doute que ce questionnement est encore d’actualité. Mais comme toute bonne idée, il y a ensuite la surexploitation, le réchauffé, qui transforment l’interrogation légitime et utile en rengaine un peu trop facile et en en alpha et omega de l’explication du chômage.
Dans cette histoire, mainte fois rabâchée, les jeunes et les non qualifiés seraient les premières victimes de leurs ainés crispés sur leurs avantages acquis. A eux la stabilité. Aux jeunes et aux moins diplômés la file d’attente, l’enfer des CDD répétés et du chômage massif. Il est grand temps de nuancer ce storytelling simplificateur, pour 3 raisons essentielles.
La première, c’est que le chômage ne provient pas exclusivement des déséquilibres du marché du travail. Ramener la faute du chômage aux salariés eux-mêmes, c’est sortir du champ de l’analyse le marché du capital, comme si ce dernier n’avait pas ses propres asymétries, ses propres dysfonctionnements.. L’hyper myopie des micro-économistes du marché du travail est de moins en moins audible depuis 2000 et 2008. Si comme Larry Summers, on pense que l’on ne sait plus produire du plein emploi sans bulle, il faut alors aussi s’interroger sur la qualité et la viabilité du plein emploi sans salaire que nous proposent les économies dites flexibles.
La seconde nuance, c’est qu’il me paraît abusif d’affirmer, comme Nicolas Bouzou récemment, que le chômage est le fruit d’une négation du savoir académique. Conformément à ces enseignements, les charges ont bien été baissées en France, la hausse du SMIC a été modérée depuis 10 ans, les chômeurs sont contrôlés, la dégressivité a aussi été testée sans résultat probant. Et même sans dégressivité affichée, seuls 40% des chômeurs inscrits à Pôle emploi bénéficient de l’assurance chômage, sans que cela modifie leur insertion… Les emplois aidés ont considérablement reflué aussi. Et ces politiques ont d’ailleurs produit des résultats. Avant crise, le taux de chômage structurel français était probablement plus proche de 8%, alors qu’il voisinait 10% dans les années 90. Ces politiques préconisées et mises en application ont certes produit des résultats que l’on peut juger ténus. Mais ils sont à la hauteur de ce que promettaient les Etudes empiriques, qui, même si elles ont été parfois survendues, n’ont jamais annoncé des effets susceptibles d’éradiquer le chômage de masse
Troisièmement, et c’est là que je veux surtout en venir. Il y a bien d’autres causes au chômage. Et nos obsessions académiques nous font souvent passer à côté du pragmatisme de nos voisins. Car si certains pays s’en sortent mieux numériquement, en matière de chômage des jeunes notamment, c’est d’abord et surtout :
Parce qu’ils n’ont pas la brutalité de sortie d’étude que l’on connaît en France. Avec une sélection en amont, et un marquage à vie sans seconde chance. La tranche d’âge des 25-29 ans est riche d’enseignement. La part des jeunes sortis d’étude qui ont un emploi est parmi les plus élevées d’Europe. On ne le dit pas. Mais leur taux de chômage aussi. Pourquoi. Parce que la France est un des pays européens qui concentre le plus ses études et n’offre à ses étudiants que le tout ou rien des études ou de l’emploi, quand d’autres pays panachent études et emplois, étirent les études et offrent le choix à leurs étudiants d’expérimenter et de sortir au moment opportun.
Si d’autres font mieux aussi, c’est qu’ils ont, pour certains, su développer un vrai système d’apprentissage, qui associe les entreprises à la formation des jeunes.
Et c’est surtout, qu’ils ont une conception souple du temps de travail. Une conception moins binaire que la conception française du tout ou rien du temps plein. Et notre préférence pour le temps plein joue au moins un rôle aussi important que notre prétendue préférence pour le chômage dans notre piètre performance d’emploi.
Olivier Passet, Chômage : la préférence française pour le tout ou rien, une vidéo Xerfi Canal TV
Publié le mercredi 22 juin 2016 . 5 min. 09
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