Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
L'Europe, dans son projet initial, devait réaliser la convergence entre les pays et les hommes. Or les réformes structurelles, puis la crise ont sérieusement écorné les compromis sociaux des pays européens. Les inégalités se sont creusées en interne, mais elles se sont surtout creusées entre pays. Et de ce point de vue, les Etats-Unis, loin des a priori, font figure de modèle d'équité comparés à l'Europe.
Le constat d'un creusement des inégalités internes fait maintenant consensus. La montée du chômage, la déflation salariale, et les politique structurelles menées depuis 10 ans produisent le résultat attendu. La dispersion des revenus s'est accrue dans presque tous les pays. La paupérisation relative des plus précaires est également bien perceptible. On pourrait encore étayer et affiner le diagnostic, mais là n'est pas le coeur de mon propos.
Regardons plutôt maintenant le tableau d'ensemble des inégalités de l'espace économique européen. Ce tableau-là n'est jamais présenté. Alors que les États-Unis réussissent le tour de force de fédérer 50 états autour d'un salaire minimum de 7,25 dollars de l'heure, soit au cours actuel de l'euro, 920 euros mensuel, l'Europe, elle, est bien loin de là. Les régions les plus pauvres de l'Union sont protégées par un SMIC de moins de 200 euros brut mensuel : en Bulgarie et en Roumanie. Si l'on resserre maintenant l'observation à la zone euro, le plus petit salaire minimum de la zone est celui du Portugal, à 566 euros, derrière celui de la Grèce à 674 euros et de l'Espagne à 753 euros. En définitive, le salaire minimum de n'importe quel État américain est supérieur de plus de 60 % au salaire minimum le plus faible de la zone euro et représente plus de 5 fois le salaire le plus faible de l'UE, avec de surcroît un hausse programmée de 25% en ligne de mire. Compte tenu des possibilités de détachement et de l'absence de salaire minimum dans 7 états sur 18, les salaires les plus faibles peuvent avoir cours dans de nombreuses régions d'Europe.
Que dire des écarts de revenus entre plus pauvres et plus riches. On présente toujours les inégalités pays par Pays. Le seuil de revenu au-delà duquel se situent 10 % des ménages les plus riches serait en moyenne 3,7 fois supérieur au seuil de revenu sous lequel on retrouve 10% des plus pauvres. Ce rapport serait de l'ordre de 6 aux Etats-Unis. Sauf qu'aux Etats-Unis ce ratio est construit sur l'ensemble de l'espace économique. Quel serait ce ratio en Europe si l'on oubliait les frontières internes ? Pour l'UE, le seuil supérieur de revenu des ménages les plus pauvres se situe à 2475 euros annuel. J'ai retenu ici le seuil de revenu qui caractérise les ménages les plus pauvres des PECO. A comparer au revenu des ménages les plus riches en Europe. J'ai retenu ici le seuil qui caractérise les ménages les plus riches en France, au Danemark et au Luxembourg. Il se situe à 47900 euros. Le rapport entre riches et pauvre est alors de 19. Même calcul approximatif en zone euro en prenant comme repère, la Grèce, le Portugal et l'Espagne : Le revenu des plus riches européens représente alors 13 fois le revenu les ménages grecs les plus pauvres, 12 fois celui des portugais, 10 fois celui des Espagnols. Autrement dit la vieille Europe sociale est un enfer d'inégalité comparée aux États-Unis.
Cela en dit long sur l'inachèvement du projet européen. Alors qu'aux États-Unis, l'importance du budget fédéral permet une redistribution entre États et que les questions de pauvreté, de répartition et de défense de la classe moyenne sont au coeur du débat pour assoir la croissance à long terme, le débat est au point mort en Europe. En Europe, les inégalités s'accroissent entre les pays et les hommes et le marché intérieur pendant ce temps s'enlise dans la déflation larvée.
Olivier Passet, L'Europe plus inégalitaire que les Etats-Unis, une vidéo Xerfi Canal
Publié le lundi 12 mai 2014 . 4 min. 25
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