Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
L'euro a perdu la guerre des monnaies sur deux fronts. D'abord sur le terrain de l'internationalisation. L'euro représente 22-27 % des réserves (pas plus que le poids initial des monnaies qui le composaient en 2000). L'euro reste aussi une monnaie d'ancrage et de facturation de second plan. Il reste marginal sur le marché des changes et les marchés financiers, à l'exception des marchés d'émission publics. L'euro a ensuite perdu la guerre des changes. Non qu'il se soit apprécié à moyen terme vis-à-vis de toutes les monnaies. Ce qui est préoccupant, ce sont les évolutions courtes de sortie de crise. Le taux de change réel de l'euro s'est apprécié de 11 % depuis l'été 2012. Et ses oscillations contra-cycliques fragilisent les reprises depuis de nombreuses années. Ce qui est également préoccupant, c'est sa surévaluation structurelle, qui le maintien au-dessus du cours qui égaliserait les prix européens aux prix internationaux ; surévaluation qui pénalise les marges des exportateurs et attise la concurrence socialo-fiscale.
Le premier échec est problématique pour l'ensemble du monde car le dollar ne peut plus assumer à lui seul le rôle de devise internationale. Le pays émetteur de la monnaie de réserve est en effet en tension entre deux objectifs : celui de fournir des liquidités au système (par l'accumulation de déficits) et celui de maintenir la confiance dans l'actif émis. La source du problème dans les années soixante tenait à l'inadéquation entre les encours d'or de la Réserve fédérale et les encours de dollars détenus à l'étranger, face à la demande de liquidité mondiale croissante. Cette inadéquation explique l'explosion de Brettonwoods dans les années 70. Ce dilemme renvoie aujourd'hui à la qualité des dettes émises, sur lesquelles sont adossées des réserves en dollar. OR il y a inadéquation grandissante entre la capacité d'endettement sans risque des États-Unis et le désir de détention de dollars. La capacité à émettre de la dette dans risque des États-Unis n'est pas infinie. La crise l'a montré. Les US n'ont plus la capacité de fournir la liquidité à tout le reste du monde. Sauf à monétiser leur dette à tour de bras, ce qu'ils font aujourd'hui avec le quantitative easing, une stratégie risquée à terme.
Or l'euro a loupé ce rendez-vous avec l'histoire. Car pour internationaliser sa monnaie, il faut une volonté politique ou a minima une volonté de l'Euro-Mark? qui n'existe pas. L'Allemagne n'a jamais souhaité assumer la responsabilité d'une monnaie internationale, qui est tout à la fois un privilège et un devoir exorbitants? et fait sauter tous les fondements de la stabilité allemande. Il faut a minima un actif européen « adossable » à l'euro, des eurobonds. Pas besoin d'épiloguer. Et pour avoir vraiment des actifs sans risques, il faut aussi de la redistribution, de la péréquation régionale et de l'harmonisation fiscale pour éviter la divergence et l'amoncellement des risques sur la périphérie, c'est-à-dire un gouvernement économique. On n'y est pas non plus.
Et c'est aussi pour cela que l'euro perd la guerre des changes car il y a absence de conjonction d'intérêt en Europe ; 1/ L'économie de Bazar allemande est immunisée contre la hausse de l'euro ; 2/notre absence d'ambition pour créer marché obligataire public unifié participe aussi à l'atrophie du marché obligataire privé. Ce marché n'est pas assez vaste pour mener un QE de portée équivalente à celui des US.
Résultat, l'euro est aujourd'hui une monnaie forte par faiblesse. Il y a non seulement une crise « de » l'euro et une crise du SMI « par » l'euro. Car l'Europe met en échec l'éclosion d'un système monétaire multipolaire, étape indispensable pour espérer demain maitriser la liquidité internationale et éviter les crises à répétition.
Olivier Passet, L'euro monnaie trop forte par trop de faiblesses, une vidéo Xerfi Canal
Publié le mardi 13 mai 2014 . 4 min. 02
Mots clés :
Europe / Zone euro
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