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La "destruction créatrice" : du slogan à l'imposture

Publié le vendredi 5 avril 2019 . 5 min. 34

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La destruction créatrice est dans toutes les bouches aujourd’hui. Nous vivons cette phase de tangage socio-économique où le neuf bouscule l’ancien. Cette vision économique fédère. Elle a quelque chose d’évident au premier abord, et elle séduit par son apolitisme apparent : ni marxiste, ni keynésienne, ni néo-classique. Elle permet aux pensées les plus molles de se parer des apparences de l’audace : on y parle disruption, mutation, bouleversement, transition, trans-humanisme, etc. Le progrès et ses désordres ne font plus peur. Cette version édulcorée de Schumpeter annonce des lendemains qui chantent, dès lors que l’on se remet au marché. Et l’on aboutit finalement à une cristallisation du débat entre d’un côté les pessimistes, les grincheux de la modernité, les déclinistes de tout poil, les rabat-joie de la stagnation séculaire et de l’autre, les imbéciles heureux et laisser-fairistes du progrès technologique.


Concept valise de la macronie


C’est un triste constat. Mais voilà que le paradigme schumpétérien éminemment anti-conformiste et inscrit dans une vision historique complexe de l’économie est devenu un prêt-à-penser qui anesthésie l’intelligence. La meilleure façon d’avoir l’air de tout dire sans ne rien dire sur la transformation de nos économies. Dans ce monde la start-up porte le neuf. L’entreprise qui meurt embarque avec elle la part obsolescente de nos économies. Et ce jeu de remplacement est le cœur de réacteur des gains de productivité et de la croissance. La politique productive est toute entière rivée sur la start-up nation. Le marché est l’arme de la sélection. Investir dans l’éducation, soutenir la R&D, instiller la flexisécurité sont l’alpha et l’oméga de la régénérescence et de la mobilité sociale. Les concepts valise s’empilent les uns aux autres. Et il est à craindre que cet angélisme simplificateur ne soit l’ossature intellectuelle des cerveaux de la macronie.


La trajectoire problématique du capitalisme


Le problème, c’est que tout cela ressemble à du Schumpeter, mais n’est pas du Schumpeter. Tout cela est l’aboutissement d’une pensée, réduite, simplifiée à l’excès par sa formalisation mathématique et par sa vulgate. Tout cela confère une régularité horlogère au processus d’innovation qui dénature la représentation initiale. Schumpeter s’intéresse à l’irrégularité de nos économies, il souligne l’imbrication complexe de plusieurs cycles, et le fait que la puissance et la durée du plus long, celui porté par l’irruption de grappes technologiques, varie en fonction de la nature même des innovations. Sa pensée véhicule un pessimisme et une contradiction à long terme qu’esquive la vision mécaniste de la régénérescence permanente. Pour Schumpeter, la trajectoire de long terme du capitalisme est problématique. L’évolution longue du capitalisme est traversée, comme pour Marx, par un problème de concentration de la rente et du capital. Ce biais de distribution génère un climat d’hostilité. Le capitalisme se sclérose ainsi de l'intérieur, pour des raisons sociales et politiques. Dans sa vision, le développement de l’appareil éducatif n’est pas la solution, puisqu’il génère une surproduction d’intellectuels de plus en plus déconsidérés socialement, qui alimentent un discours contre l’argent et l’esprit d’entreprise. Il alimente aussi un processus de redistribution de plus en plus lourd, qui inhibe le processus d’accumulation. Et dans ce contexte, la libre concurrence est le moins mauvais compromis, sans être la solution.


Actualiser Schumpeter


La vulgate de la destruction créatrice est dangereuse, car elle laisse supposer que l’on peut se dispenser d’une politique industrielle. Nul besoin de s’intéresser et d’agir sur les activités, de protéger, de booster, d’agir en architectes du territoire. Pour les néo-béats de Schumpeter, il suffit de créer des conditions générales favorables, sans jamais avoir à penser notre spécialisation. Les rapports de force entre pays, entre grandes firmes sont gommés. Les phénomènes d’agglomération, les risques de prédation sont esquivés. Bref, on simplifie. On postule que le progrès va spontanément dans la bonne direction, et que c’est au corps social de s’y adapter et non l’inverse. On simplifie, quand Schumpeter aurait mérité un approfondissement, une actualisation.


Que dire notamment de la dichotomie entre l’entrepreneur-innovateur et la grande organisation, supposée sclérosante même si elle est stabilisante chez Schumpeter ? On sent bien que le jeu d’acteur s’est complexifié avec la financiarisation de nos économies. Entre les licornes, les multinationales, qui ne cessent de redéfinir leurs contours, d’acquérir des brevets, les fonds d’investissement, le jeu et la distribution des rôles n’est plus aussi clair que par le passé. Cet ensemble constitue un écosystème de la productivité, dont le moteur ne se réduit pas à un simple jeu d’entrée-sortie d’entreprises nouvelles et anciennes.


Bref, cessons l’imposture qui consiste à faire de Schumpeter le prescripteur des politiques pro-marché, qu’il n’est pas. Et essayons plutôt de repenser Schumpeter à l’aune des réalités contemporaines.


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