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Le silence assourdissant des économistes face au basculement du monde

Publié le lundi 15 février 2021 . 5 min. 48

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Depuis 30 ans, l’idée d’une vertu autorégulatrice des marchés guide l’action publique. Les pays avancés n’ont eu de cesse de démonter les barrières et les rigidités qui biaisent les arbitrages privés au plan micro-économique, n’octroyant aux États qu’une fonction correctrice subsidiaire. Avec l’idée que l’harmonie sur le plan macro-économique repose sur l’équilibre simultané et non faussé sur les marchés de produits, du travail et du capital.


Le mythe de la fonction autorégulatrice des marchés


Pourtant, tout ce que peut tenter de formuler un économiste sur la base des raisonnements en termes d’équilibre vire au fiasco et à l’incongruité. Nous nous raccrochons aux branches avec des explications partielles et, disons-le, insatisfaisantes.
Face à un monde où les taux sont à zéro, que nous disent les grandes Tables de la loi de l’équilibre ? Que le monde vit avec un excès d’épargne colossale. Les raisons ne manquent pas. La première d’entre elles est démographique : le vieillissement mondial de la population qui épargne pour sa retraite. Ce qui tarit la demande sur le marché des biens, ce qui génère une surproduction structurelle, des pressions déflationnistes et nous piège dans la stagnation. Mais selon cette version, si les marchés exerçaient leur fonction autorégulatrice, nous devrions voir s’affaisser l’emploi, augmenter le capital par tête, s’accélérer la productivité du travail. Ce versant-là de l’histoire nous ne le voyons pas. Le taux de chômage des pays avancés reste stable sur un plateau élevé et traverse même la crise colossale du Covid sans recoller à ses sommets passés. La grande migration du facteur rare, le travail, vers le facteur abondant et peu coûteux, le capital, n’a pas lieu. Le capital par tête ralentit tendanciellement. C’est pourtant l’inverse qui devrait se passer dans ce monde qui a tout misé sur l’autorégulation des marchés.


Au cœur du système : des marchés financiers que l’on a décloisonnés, dérégulés et qui avaient vocation à devenir le maître des horloges de l’investissement. Où les bourses d’un côté ne cessent de nous projeter dans un monde de profits et de croissance et où les taux d’intérêt de l’autre nous renvoient à la stagnation. Avec derrière cette dualité, deux grands maîtres du jeu : des fonds de gestion d’actifs surdimensionnés qui exigent un rendement économique et financier du capital à deux chiffres contre vents et marées et des banques centrales qui par leurs interventions génèrent des taux d’intérêt, à court comme à long terme, proches de zéro ou négatifs. Cela, rien dans nos logiciels économiques ne nous permet de l’analyser. La contestation de l’existence d’un marché des fonds prêtables, lieu d’arbitrage de l’épargne et de l’investissement arbitré par le taux d’intérêt est certes au cœur de la critique keynésienne. Le taux d’intérêt est bien une construction monétaire chez Keynes. Mais même chez lui, si un tel gap apparaît entre le coût de la dette et le rendement du capital, nous devrions observer une énorme appétence pour l’investissement, que nous ne voyons pas. Au lieu de cela, la liquidité absorbe les actifs déjà existants, les survalorisent, et l’économie est piégée dans une spirale de hausse de la dette et des prix d’actifs, dont l’issue laisse sans voix les économistes, tant leur cadre d’analyse n’intègre pas cette dualité du marché.


Le travail, une construction sociale et culturelle avant tout


Autre centre névralgique de nos approches orthodoxes, le marché du travail. Là aussi tout a été fait depuis 30 ans pour flexibiliser les volumes et les salaires afin de s’approcher de l’idéal de l’efficience. Or, le travail est loin d’être cette marchandise banale et malléable, et le salaire — sa rétribution objective indexée — une productivité objectivable. Le travail est d’abord une construction sociale et culturelle. La crise sanitaire nous en offre une démonstration criante. Voici près d’un an que 20 à 60% de la main-d’œuvre affronte une profonde désorganisation à travers le monde, allant de la mise à pied technique avec le chômage partiel ou non jusqu’au télétravail. Or la production ploie, mais ne rompt pas. Et nulle part des pénuries majeures n’apparaissent. Ce qui renvoie au fait qu’une minorité des actifs ont un effet direct et essentiel sur la production ou la distribution. L’emploi relève de plus en plus d’un investissement immatériel (consulting, marketing, supervision, communication, recherche, formation etc…) dont l’interruption ou la désorganisation momentanée n’a qu’un effet diffus. Paradoxalement, dans ce monde obsédé par l’efficacité du travail, le désengagement partiel ou complet d’un tiers de la main-d’œuvre produit des effets que les économistes tendent à surestimer. Peu importe, ils continuent à appréhender le travail comme ce flux consommable, marchandisable dont on peut objectiver la contribution, individuellement.


En 1944, l’économiste hongrois Karl Polanyi avait pronostiqué le dépassement de l’économie de marché. L’idée d’une entité autorégulatrice, exerçant son primat sur la sphère sociale, était selon lui une construction historique, datée et mortelle. Tout sauf une loi naturelle. Son propos est plus que jamais d’actualité. Mais face à ce rendez-vous de la grande transformation, face à des logiciels explicatifs de plus en plus inopérants, répond toujours le grand silence d’une science économique imperturbable.


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