Le discours sur l’Europe prononcé par Emmanuel Macron à la Sorbonne se veut un moment fort de son quinquennat. C’est l’acte par lequel il ancre son projet pour la France dans une ambition pour l’Europe. C’est l’acte aussi par lequel il réaffirme le rôle de la France comme creuset de l’idée européenne.
Je ne ferai pas ici la énième énumération de ses propositions. Toute la presse en a fait état. Et elle sonne comme du déjà vu, déjà entendu, comme une somme de velléités qui buttent depuis des années sur la divergence des intérêts. Centrons nous plutôt sur l’articulation des idées, qui délivre finalement plus d’informations que le catalogue des propositions.
3 axes de relance : la souveraineté, l’unité, la démocratie
3 axes de relance : la souveraineté, l’unité, la démocratie. L’économie disparaît sous ces trois têtes de chapitre, reléguée au rang d’instrument. L’Europe de Macron est délibérément politique. Le discours économique aurait pu avoir le même contenu, avec pour triptyque, un budget (autrement dit un gouvernement économique), des transferts, et de la coordination. Un budget pour la défense, la coopération, l’agriculture, les investissements énergétiques et numériques ; des transferts pour une Europe solidaire ; et de la coordination en matière d’éducation et de fiscalité.
Sauf que, comme tout bon commercial, Macron sait qu’une négociation doit embrayer sur le maximum de oui de la part des parties-prenantes. S’il avait dit "mon ambition pour l’Europe est un budget, des transferts, de la coordination", il récoltait d’emblée deux "non" et un "peut-être" de l’Allemagne. En se déplaçant sur le terrain des valeurs fondatrices, tout change. Qui peut dire non à une Europe plus souveraine et puissante, plus unie, plus démocratique ?
Un budget européen en ligne de mire
Au service de la souveraineté, il y a l’idée de mutualiser davantage la sécurité extérieure et intérieure, la coopération, et surtout de porter les enjeux des transitions énergétique, agricole et numérique. Placer ces trois transitions au rang d’élément de souveraineté n’est pas habituel. Mais cette classification est intéressante. Accélérer le changement des modes de consommation, construire un mix énergétique européen de façon coordonnée, revoir notre conception de la mobilité et nos pratiques agricoles, est bien aujourd’hui la meilleure façon de nous délier de notre dépendance économique à de multiples produits importés et de se poser en leader de production en la matière. Et c’est bien un enjeu de puissance aujourd’hui et un levier pour refonder notre compétitivité. Pas seulement une contrainte à laquelle on se soumet par altruisme intergénérationnel.
Par ailleurs, tous ces thèmes peuvent avancer dans ou en dehors d’un schéma fédéral, avec de la soft law, de la coopération renforcée, des agences, etc. Néanmoins, Macron a bien en ligne de mire un budget européen, avec pour ressource des taxes sur le numérique et l’environnement. Et pour objet des biens communs européens : la sécurité, la politique migratoire, le numérique, et l’écologie.
Une Europe sociale a minima, et l'éducation au service de l'unité européenne
Au service de l’unité, Emmanuel Macron prend garde de ne pas trop tirer sur la ficelle de l’Europe sociale. Il parle d’un modèle à réinventer et dont un socle commun doit être élaboré. C’est une Europe sociale a minima. Quelques pistes sont déjà sur la table : limiter les abus sur le travail détaché, la concurrence fiscale (fourchette de taux et convergence des bases de l’IS), et un projet de salaire minimum plus effleuré que porté avec force.
Le président préfère déplacer le cœur de son intervention sur l’autre vecteur d’unité, moins conflictuel : l’éducation, avec à la clé des projets d’université européennes, des harmonisations de programmes et de diplômes au niveau du secondaire, et une extension d’Erasmus.
Des pistes ouvertes pour améliorer le processus démocratique
Reste la démocratie. Quatre grandes idées : organiser des conventions démocratiques au niveau des États, aller graduellement vers des listes transnationales porteuses de projet pour l’Europe lors des élections européennes, refondre les institutions, et admettre une Europe à plusieurs vitesses. Différentes options d’intégration, donc. Tout cela reste flou mais ouvert.
Bref, ce discours n’est pas que le collage bien enrobé de propositions déjà vues qui seraient autant d’impasses. A y regarder de plus près, il y a un changement de méthode, et quelques projets lourds sur l’énergie, le numérique, la défense, l’éducation, qui peuvent fédérer et sortir l’Europe de son surplace stérile.
Olivier Passet, Les dessous du projet Macron sur l'Europe, une vidéo Xerfi Canal Economie.
Publié le lundi 2 octobre 2017 . 4 min. 50
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