Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
Vaut-il mieux des petits boulots que pas de boulot du tout ? La question est sur le devant de la scène depuis la récente annonce d'une rencontre entre François Hollande et Peter Hartz. Peter hartz, je le rappelle, est l'artisan des réformes Schröder : l'agenda 2010, décliné en quatre lois, qui ont profondément modifié les droits des chômeurs et leur accompagnement. Parmi elles, le second volet Hartz II, a marqué les esprits. Il facilite les fameux « mini-jobs », ces contrats, de durée courte, à salaires modérés et à faibles charges. Les récentes déclarations de Peter Hartz selon lequel « «Il vaut mieux un peu de travail que pas de travail du tout» a donné un nouvel écho à cette dimension de la stratégie allemande.
Et il est vrai que la trajectoire allemande du chômage durant la crise amène à réfléchir sur cette affirmation. Idem pour celle du Royaume-Uni ou de l'Autriche. Les uns comme les autres n'ont pas fait mieux ou beaucoup mieux en termes de croissance que la France ou que la moyenne de la zone euro. Et pourtant leur performance en matière de chômage détone. Un point commun à ces pays : ils ont mené des politiques d'insertion de la main-d'?uvre la moins qualifiée sur la base de statuts socialement « dérogatoires », favorisant l'emploi partiel, court et fragmenté.
Cette montée des mini-jobs a un coût, on le sait en termes de paupérisation des salariés et des futurs retraités. Un coût social qui a été au c?ur des débats électoraux allemands. Et effectivement, les nouveaux modèles de réussite ne nous proposent pas un meilleur des mondes mais bien un moindre mal. Et c'est bien le sens de la déclaration de Peter Hartz. Que faut-il penser au fond de cette nouvelle dualité ? Non plus entre chômeurs et salariés mais, au sein même des salariés entre travailleurs intermittents pauvres, et travailleurs sécurisé ?
L'emploi fragmenté est souvent un emploi qui fournit un complément de revenu aux étudiants, retraités ou salarié : en 2012, sur 7,3 millions de mini-job, plus de 4 millions étaient exercés en cumul de divers emplois. Le temps partiel court est souvent la soupape qui facilite la modération salariale. Les Pays-Bas ont connu cela aussi dans les années 90.
Mais la démonstration que ces petits jobs constitueraient une passerelle vers l'emploi stable n'est pas probante aussi bien aux États-Unis, en Allemagne qu'au Royaume-Uni. Pour l'heure il s'agit plutôt d'une trappe d'intermittents qui grossit ce que l'on appelle le halo du chômage.
Il existe un vrai besoin fonctionnel pour ce type d'emplois. Le juste à temps, le désir d'accès en continue aux services, la montée de l'E-commerce, sont autant d'évolutions qui nourrissent la demande pour ce type d'emplois, souvent sur des fonctions logistiques.
Enfin, la France n'est pas en reste de cette évolution. Même si elle rechigne à développer les temps partiels courts, les évolutions récentes montrent que nous facilitons à notre manière l'emploi intermittent: L'explosion de l'auto-entrepreneuriat en est un signe, puisque il est devenu l'instrument par lequel les salariés accèdent à des revenus d'appoint par la multi-activité. L'intérim également, sur lequel repose l'essentiel de l'ajustement de l'emploi à court terme. L'explosion des embauches en CDD courts depuis 10 ans en témoigne.
On aurait donc tort d'éluder le sujet. Dans un monde du juste à temps et de l'hyper-réactivité, le travail se fragmente sous diverses formes. Cessons de nous focaliser sur la durée du travail et intéressons-nous davantage à la diversité des temps, à la consolidation des temps. Que cela nous plaise ou non le sujet s'impose à nous et ne pourra être esquivé par l'interdit.
Olivier Passet, Petits boulots et baisse du chômage, une vidéo Xerfi Canal
Publié le mercredi 12 février 2014 . 4 min. 02
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