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Seuls les fous (et les économistes) croient à une croissance sans fin

Publié le mercredi 1 septembre 2021 . 6 min. 45

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La croissance du PIB demeure la boussole suprême de nos économies que les conjoncturistes commentent et prévoient à la décimale près. De simples décélérations de quelques dixièmes de points suffisent à déclencher l’émoi. Observateurs et commentateurs faisant mine d’avoir accès à une mesure de la même précision qu’un phénomène physique ou biologique. Et dans un monde de concurrence et de sélection, soumis à la recherche d’efficacité à tous les niveaux, le plus est forcément synonyme de mieux. Bien que nous soyons de plus en plus conscients des effets collatéraux négatifs de la croissance sur la planète ou la santé mentale, nous devenons pour la plupart amnésiques et étanches à ces problématiques dès qu’il s’agit de commenter le petit chiffre magique et aveuglant de la croissance.


Une économie, ça croît quoiqu’il arrive


Ce rituel rassurant du chiffre millimétrique a été dynamité par la crise sanitaire. Pris dans le gigantesque stop and go des confinements/déconfinements avec des taux de variation d’une ampleur inégalée, nous avons réalisé à quel point le monde que nous commentions précédemment était lisse et d’une régularité irréelle. Et pour cause : sur les 160 trimestres que compte la période 1980-2019, seuls 18 trimestres ont affiché des scores négatifs aux États-Unis et 25 en zone euro et moins de 10 trimestres ont connu des baisses supérieures à 0,5% de part et d’autre de l’Atlantique. Une économie, ça croît quoiqu’il arrive, sauf rare exception. Imaginer avant mars 2020 un décrochage prolongé de plus de 1 ou 2% du PIB aurait relevé de la catastrophe majeure. Et au fond de lui, tout économiste est convaincu, sans qu’il sache vraiment l’expliquer, que le PIB c’est comme une bicyclette, pour détourner une citation d’Einstein sur la vie : il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre. Pour reprendre encore une citation de Kenneth Boulding : « celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste ». En effet, un économiste ne peut imaginer un monde sans croissance. Tout son appareil statistique le convainc que cette dernière est un processus inépuisable, quasi inéluctable. Chaque trimestre, à quelques exceptions près, il y aura un peu plus d’emploi, d’équipement et surtout un zest de productivité qui élève de façon métronomique la richesse des nations. Les périodes qui enfreignent cette loi sont rares et brèves.


Le PIB c’est comme un élastique


Plus étonnant encore, l’économie mondiale a fait une incroyable embardée. N’importe quel corps physique soumis à un tel choc aurait été dérouté de sa trajectoire. Mais non. Les PIB recollent déjà à leurs niveaux d’avant-crise. C’est déjà le cas de l’économie américaine qui surplombe de 1 point son niveau de fin 2019, de la Corée ou du Japon ou pour les petites économies exportatrices du nord de l’Europe, ou pour certains PECO, qui dépassent ou recollent déjà à proximité de leurs niveaux d’avant-crise, dans le sillage d’un commerce international qui a repris son cours, lui aussi. Nos économies peuvent connaître une pandémie paralysante, des désastres climatiques à répétition, des secousses, un quart des salariés peuvent basculer en télétravail, des pans entiers de l’économie peuvent être sinistrés — la restauration, l’hébergement, les loisirs ou les secteurs névralgiques de l’automobile ou de l’aéronautique — et le PIB, tel un élastique se réinstalle avec une étonnante facilité sur sa trajectoire. Et cela n’est pas nouveau : guerre de Corée, guerre du Vietnam, ou plus près de nous, l’effondrement mondial des bourses en 2000, les attentats du 11 septembre,  le tsunami et la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon, les catastrophes climatiques récurrentes… non seulement tous ces évènements n’altèrent que très faiblement la croissance des pays touchés quand ils adviennent, mais de surcroît, ils se transforment le plus souvent en croissance supplémentaire. Nous insistons souvent sur le rôle des politiques économiques dans cette résistance… mais elles ne font pas tout.


Le capitalisme fait l’impasse sur les destructionsTout cela nous rappelle aussi le caractère conventionnel de nos mesures de la croissance. Notre comptabilité est une comptabilité de coûts. Toute dépense finale a une contrepartie réelle ou fictive en termes de PIB. Or, ces dépenses ont un caractère récurrent et stable de plus en plus grand. Les loyers versés en contrepartie d’un service de logement, l’autoproduction immobilière des ménages propriétaires, nos dépenses socialisées de santé et d’éducation, et tous les autres services publics financés par l’impôt ou la dette, tous nos abonnements divers et variés en matière d’assurance, de banque, de télécom, de services numériques, voir aujourd’hui nos dépenses automobiles en leasing ou en LOA, etc. La part de ces dépenses est aujourd’hui majoritaire. L’économie est traversée de contrats et de dépenses récurrentes qui en stabilisent le cours.


La croissance ensuite est aveugle en termes de finalité. Qu’elle soit désirée, orientée vers le bien-être, la qualité ou qu’elle soit subie… peu importe. Que l’on construise de nouvelles surfaces de logements de qualité ou que l’on entretienne ou reconstruise un parc dégradé à durée de vie courte, que l’on bâtisse des hôpitaux ou des ronds-points, que l’on investisse dans la transition verte ou dans des armes, que l’on se rue sur les terrasses de café ou dans les centres de test et de vaccination… tout cela est indifférent à court terme. La dépense se mue comptablement en richesse.


Enfin, notre comptabilité ne reconnaît que les flux positifs… et ignore les destructions. L’obsolescence accélérée ou les destructions se convertissent en croissance et les destructions de capital humain, culturel, écologique sont ignorées… Bref, le capitalisme donne le sentiment de convertir les catastrophes en croissance, mais parce qu’il fait l’impasse aussi sur la mesure des flux négatifs.


Bref, le PIB est un lampadaire incontournable, mais incomplet et déformant de l’activité économique et de ses retombées. Un fil continu et rassurant qui suscite l’émoi sur des microphénomènes et donne parfois l’impression que rien ne bouge, quand tout bouge.


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