Xerfi Canal présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi
De toutes les mesures visant les entreprises, la taxe sur l'EBE est certainement celle qui a fait couler le plus d'encre. Objet fiscal non identifié, il est difficile d'en cerner les motifs et la portée véritable.
Il faut d'abord préciser les contours, d'un projet édulcoré et qui pourrait l'être encore plus après passage au parlement. A l'origine, un dispositif destiné à se substituer à deux taxes qui grèvent le CA des entreprises :
1/ l'impôt forfaitaire annuel sur le chiffre d'affaire des entreprises, un impôt qui s'adressait aux entreprises réalisant plus de 15 millions de CA et dont l'extinction était programmée de longue date cette année, un impôt qui aurait rapporté 500 ou 600 millions à l'État.
2/ la contribution sociale de solidarité des entreprises, qui s'adresse aux entreprises réalisant plus de 760 000 euros de CA, un prélèvement qui rapporte 5 milliards à l'État.
A l'arrivée, au taux de 1% aujourd'hui programmé, il rapporterait 2,5 milliards : un taux bien en-deçà des ordres de grandeurs qui avaient pu circuler, 3 % puis 1,25 %, puis 1%, mais face auquel seule l'IFA est supprimée. Une majoration nette de la fiscalité de 2 milliards.
C'est aujourd'hui, moins le montant de l'impôt que sa nature qui fait grincer des dents. Assis sur l'EBE, cela veut dire qu'il porte sur le chiffre d'affaire diminué des charges de personnel et des consommations intermédiaires. Une base plus étroite que le chiffre d'affaire. Mais qui demeure large. Elle comprend contrairement à l'IS, les intérêts, et les amortissements.
3 scénarii alors :
- Celle d'un cheval de Troyes fiscal. L'État a introduit dans son arsenal fiscal un impôt à base large. Destiné à manger peu à peu l'IS. Un peu comme la CSG par le passé pour l'IR. 1 point de hausse du nouvel impôt pourrait absorber demain 2 points de baisse de l'IS, un super impôt sur le résultat d'exploitation, au rendement nettement supérieur à celui de l'IS. Un impôt qui n'aurait pas les inconvénients de la base gruyère de l'IS. Un impôt qui pourrait aussi demain absorber d'autres impôts sur la production et servir d'outil de simplification, comme il pourrait demain être un superbe instrument d'accroissement de la pression fiscale sur les entreprises les plus capitalistiques. Car si le taux de l'IS est élevé en France, sa base, elle bénéficie de la déductibilité des intérêts et d'un régime d'amortissement particulièrement favorable. On comprend l'inquiétude des entreprises face à ce nouvel outil dont on ne sait pas comment il absorbera les autres prélèvements, mais dont on sait qu'il pénalise l'investissement puisque qu'il taxe l'amortissement, un flux qui est d'autant plus élevé que les entreprises sont capitalistiques.
- Celui du mille-feuille, toujours plus épais. Une couche de plus se rajouterait, sans qu'une véritable refonte des impôts de l'entreprise ne soit réalisée ensuite, une nouvelle strate, qui relève du mauvais bricolage, alors que la France est déjà championne d'Europe des impôts en cascade qui grèvent les revenus de ses entreprises.
- Un outil anti optimisation, ce serait là la version la plus positive. Mais là encore insatisfaisante. Car les grandes entreprises savent manipuler l'EBE par des prix de transfert entre filiales, alors certes le loi de finance propose de justifier toute opération de ce type qui induirait une baisse de l'EBE de plus de 20 % par rapport à la moyenne des trois exercices précédents, mais c'est faire bien confiance à la capacité de contrôle de l'administration fiscale face aux fiscalistes aguerris des grands groupes multinationaux.
Au final, ce qui inquiète dans la taxe sur l'EBE, ce n'est pas sa forme embryonnaire actuelle. C'est d'abord sa base. Du coup, elle n'est pas le bon impôt par lequel le législateur chasserait le mauvais impôt, l'inclusion des intérêts est justifiable. Celle de l'amortissement ne l'est pas.
Olivier Passet, Taxe sur l'EBE : un objet fiscal non identifié inquiétant, une vidéo Xerfi Canal
Publié le mardi 01 octobre 2013 . 4 min. 40
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