Tragédie grecque : l'épilogue
Publié le mardi 16 juin 2015 . 4 min. 25
Xerfi Canal TV présente l'analyse d'Olivier Passet, directeur des synthèses - Xerfi
Voici un moment que je me garde d'intervenir sur le bras de fer entre la Grèce et ses créanciers. D'abord parce que le jeu s'est déroulé de façon attendue. Et jusqu'au point de rupture que l'on pouvait anticiper. Mais certains commentateurs se complaisent tellement à décrypter ce "poker menteur", qu'ils n'ont simplement pas saisi que les grecs ne jouent plus. Si bien que l'inconscience a changé de camp.
Elle est d’abord du côté de ces chroniqueurs ou institutionnels européens qui frisent maintenant l’indécence, lorsqu’ils contemplent le jeu de massacre sur un ton goguenard, stigmatisant ces roublards de grecs qui n’auraient toujours pas compris que le temps des cigales était bien fini.
Qui se battraient pour maintenir des avantages indus, des préretraites scandaleuses, un droit du travail kafkaïen, un droit à la paresse subventionné par leurs partenaires. Voilà bien longtemps que les lignes de discorde ne se situent plus là. Mais il faut s’être intéressé un minimum aux propositions présentées par la Grèce le 2 juin, auxquelles la Commission a répondu par un autre texte, ne tentant même pas de travailler sur une mouture commune, pour comprendre que la fracture porte sur le fond.
Si les grecs ne cèdent pas, c’est qu’ils considèrent 1/que le plan qui leur est proposé, aussi bien les objectifs de déficit primaire à court terme, que la répartition de l’ajustement fiscal, sont susceptibles d’aggraver la situation plus que de la résoudre ; 2/ que la posture européenne n’est plus que punitive et comptable, au détriment d’un redressement véritable de l’économie grecque. Et aux vues des propositions de la Commission, on peut effectivement partager ce doute.
Je ne rentrerai pas ici dans les détails. Mais ce sur quoi achoppe la négociation, ce n’est pas sur la nécessité de réformer en profondeur les institutions grecques. C’est d’abord sur moins d’un demi-point de consolidation supplémentaire cette année. Point sur lequel la Grèce a déjà quasiment cédé. Mais surtout sur la répartition des coupes budgétaires et des hausses d’impôt.
La Grèce propose un essaimage et un ciblage sur les plus hauts revenus. Alors que la Commission reste focalisée sur les retraites et sur l’instrument de la TVA, en concentrant le tir sur les produits de base. Et c’est vrai que sur le papier, le plan européen risque d’être beaucoup plus pénalisant pour la croissance et de se solder par très maigres gains en termes de rééquilibrage financier. Car tout l’équilibre social grec, dans un contexte de chômage massif et de très faible indemnisation, repose aujourd’hui sur les solidarités familiales… les retraites donc.
A force de considérer que le gouvernement grec joue avec le feu, usant les nerfs de la coalition des créanciers, on perd de vue que c’est bien sur le fond que les choses bloquent. Et que le refus grec n’a plus rien de stratégique. Le premier ministre grec ne joue pas avec les mots lorsqu’il appelle les créanciers à la raison. Et l’on est surpris de ne jamais voir une évaluation sérieuse de l’impact de la cure proposée aux grecs. Peut-être parce que le résultat est simplement inavouable. Ni croissance, ni réduction de la dette, mais simple posture idéologique et politique.
Face à la condescendance des commentaires de certains européens, qui oublient simplement que la Grèce n’est pas qu’une destination touristique, rappelons quand même que la Grèce dispose d’un taux de diplômés du supérieur proche de celui de la France. Que leur taux d’emploi est le plus faible d’Europe et leur taux de chômage le plus élevé. Est-il nécessaire de dire que dans ces conditions c’est toute la base de la croissance et du rendement des impôts qui est minée. Mais cela ne fait pas parti de l’agenda européen.
Je ne peux à ce stade comprendre l’intransigeance européenne et son refus à parier sur une résolution des problèmes par une véritable stratégie de développement, que par un suprême mépris des ressources humaines du Sud. C’est inquiétant. Ou si l’on reste positif, par un dernier bluff. Un bluff qui pourrait aller jusqu’au défaut grec. Meilleure façon d’avaliser à chaud un haircut que l’on n’ose proposer à froid, de peur de donner de mauvaises idées à d’autres pays « cigales ».
Olivier Passet, Tragédie grecque : l'épilogue, une vidéo Xerfi Canal TV
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