Le commerce entre la France et l’Algérie est un paradoxe. Poids lourd des échanges franco-africains – 16,6 % des exportations françaises vers l’Afrique en 2024 –, il ne représente que 0,8 % du commerce extérieur total français. Une goutte d’eau dans l’océan commercial de l’Hexagone, mais une source de dépendance énergétique non négligeable. En 2023, la France importait 4,28 milliards de mètres cubes de gaz naturel liquéfié (GNL) algérien, soit 14 % de ses importations totales. En 2024, ce chiffre a grimpé à 18 %. Un chiffre stratégique, mais fragile.
Un déficit commercial qui s’aggrave
Le temps où la balance commerciale entre les deux pays était excédentaire est révolu. Depuis 2021, l’Hexagone creuse son déficit, notamment à cause de l’explosion des importations d’hydrocarbures algériens. En 2024, ce déficit atteignait 1,5 milliard d’euros, un gouffre financier creusé par une spécialisation des échanges : 79,2 % des importations françaises depuis l’Algérie sont des hydrocarbures, pendant que la France exporte des produits pharmaceutiques, automobiles et des machines industrielles.
L’hypothèse d’un choc économique
Si les tensions politiques venaient à s’intensifier, une guerre commerciale franco-algérienne pourrait coûter cher. Un scénario de rupture des flux de GNL en provenance d’Alger aurait un impact limité si seules les ventes spot étaient concernées : la substitution par d’autres fournisseurs, notamment les États-Unis, n’engendrerait qu’un surcoût de 68 millions d’euros. En revanche, si tous les contrats de long terme étaient suspendus, la facture grimperait à 1,25 milliard d’euros. Une note salée, mais absorbable au regard des capacités de diversification énergétique de la France.
Un pétrole substituable, un gaz stratégique
Contrairement au pétrole – facilement remplaçable par des sources libyennes, américaines ou d’Afrique de l’Ouest –, le gaz algérien est un maillon clé de l’approvisionnement français. Son remplacement exigerait des ajustements coûteux et stratégiques. Pourtant, le précédent russe a prouvé que la France pouvait pivoter rapidement vers d’autres sources d’énergie, même en cas de crise majeure.
L’ombre d’une rupture
Au-delà des chiffres, c’est la stabilité d’un partenariat historique qui vacille. Si les tensions politiques franchissent un seuil critique, l’économie suivra. Une guerre commerciale serait un signal d’alarme : ni Paris ni Alger ne peuvent se permettre une rupture brutale. La France, pour sécuriser son approvisionnement énergétique ; l’Algérie, pour préserver l’un de ses marchés clés. Mais dans un monde où les relations économiques sont de plus en plus marquées par la géopolitique, la rationalité économique ne suffit plus toujours à éviter la crise.
Sources :
• Natixis CIB Research, "France-Algérie : quels risques commerciaux en cas d’aggravation des tensions ?", rapport du 11 février 2025.
• Données des Douanes Françaises, Natixis CIB.
Publié le mercredi 12 mars 2025 . 3 min. 05
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