L'industrie aéronautique de record en record
Publié le lundi 2 avril 2012 . 5 min. 16
Xerfi Canal présente l'étude "L'industrie aéronautique et spatiale", réalisée par Flavien Vottero, Chargé d'études Xerfi.
L'industrie aéronautique française vole de record en record. Le secteur aéronautique a progressé beaucoup plus vite que la moyenne de l'industrie française. [Et les prévisions d'activité pour 2012 sont limpides. C'est ce que montre le carnet de commandes d'EADS, maison-mère d'Airbus et grand donneur d'ordres du secteur en France et en Europe. Un carnet de commandes record qui approchait la barre des 460 milliards d'euros fin septembre 2011. Presque 460 milliards d'euros, c'est 70% de plus qu'en 2006. De quoi assurer au groupe une excellente visibilité pour les 10 prochaines années. Un atout particulièrement appréciable en période de crise et de fortes incertitudes dans bon nombre de secteurs industriels. Un atout pour le groupe mais aussi pour tous ses sous-traitants français. Pour répondre à l'essor de la demande, Airbus cherche d'ailleurs à livrer davantage d'appareils chaque année. De ce fait, les cadences de production s'accélèrent. Ce qui a un impact très positif sur l'activité de toute la filière. N'oublions pas non plus l'Américain Boeing. Le groupe est au mieux de sa forme et la hausse de ses commandes entraîne elle aussi dans son sillage l'activité de ses sous-traitants français. Alors pourquoi un tel dynamisme de l'industrie aéronautique ? Et bien c'est lié à la croissance mondiale du trafic aérien, en particulier dans les pays émergents. Cela se traduit par une forte hausse du transport de passagers qui dope la demande des compagnies en avions, notamment des compagnies asiatiques. Autre facteur non négligeable : la modernisation des flottes liée à la volonté des compagnies de réduire leurs coûts. Pour être très clair, il s'agit de moderniser la flotte pour réduire la facture de kérosène face à l'envolée des prix du pétrole. Les compagnies sont aussi soumises depuis début janvier à des quotas d'émissions de CO2 quand elles desservent les aéroports européens. A ce tableau idyllique, j'apporterai trois nuances. La première, c'est la santé chancelante des équipements militaires. Comme vous pouvez le voir, le montant des commandes de l'industrie française sur ce segment a fléchi en 2010 et en 2011. Or, il n'est pas facile de trouver des relais de croissance à l'export sur ce marché. On peut évoquer tout particulièrement à Dassault avec son Rafale dont le succès à l'international reste à démontrer. Mais une lueur d'espoir est venue d'Inde au début de l'année. New Delhi est en effet en négociations exclusives avec Dassault pour lui acheter 116 Rafale. De quoi pousser un ouf de soulagement si ces négociations se concrétisaient, vu le coût du programme. Ma deuxième nuance, ce sont les risques qui pèsent sur les sous-traitants. Les grands acteurs comme les constructeurs, les motoristes et les équipementiers vont devoir augmenter leurs capacités de production. Ce qui veut dire consentir des investissements. C'est à la portée de groupes comme Airbus, Safran ou Thalès. Mais cela peut poser des problèmes à leurs sous-traitants. Des sous-traitants qui peuvent rencontrer des ruptures en matière d'approvisionnement et des difficultés de recrutement. Ils peuvent aussi être confrontés à des pressions accrues de leurs donneurs d'ordres en matière de productivité. Le danger serait d'aller trop vite pour répondre aux cadences infernales imposées par Airbus et Boeing. Ma troisième nuance, c'est la menace de désindustrialisation qui plane sur le secteur aéronautique en France. Au lieu d'exporter, les grands groupes peuvent choisir ou être contraints de se rapprocher de leurs donneurs d'ordres. Prenons le cas de la Chine. La Chine qui veut donner naissance à un constructeur aéronautique civil. La Chine qui exige le plus souvent une production locale avec à la clé des transferts de technologies. Au lieu d'investir en France, les groupes peuvent donc investir directement à l'étranger. Pour gagner en compétitivité, le secteur aéronautique français pourrait aussi délocaliser. Des délocalisations qui se feraient en priorité en zone dollar. Car il faut bien comprendre que le niveau de l'euro face au billet vert pénalise la profession à l'export et les groupes européens face à leurs concurrents américains. Pour mémoire, les ventes du secteur sont libellées en dollar et les coûts d'EADS en euros. Les questions monétaires sont au centre de toutes les attentions. Car contrairement au reste de l'industrie qui commerce assez peu hors d'Europe, le secteur aéronautique français aurait lui tout à gagner à un euro faible. Un euro faible pour améliorer sa compétitivité. Améliorer sa compétitivité vis-à-vis de son éternel rival Boeing et demain vis-à-vis des Brésiliens et des Chinois.
Philippe Gattet, L'industrie aéronautique de record en record, une vidéo Xerfi Canal
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